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Choses vues entendues sues
21 novembre 2020

Le difficile métier d'enseignant: Samuel Paty

C'est encore une émission de radio qui me donnera le thème du jour.
Je pense être bien placé pour en parler et avant toute chose je rappellerai la formule freudienne: Gouverner, soigner, éduquer: mission impossible.
On y reconnaitra le pessimisme du créateur de la psychanalyse, mais aussi la profonde vérité de cet aphorisme.
Dans les trois cas, l'humain travaille sur
 l'humain et je me sens légitime pour développer ce thème.
J'ai commencé à "enseigner" avant l'âge de 10 ans, alors que après les cours dans le primaire, je jouais au maître dans une vraie classe devant deux élèves.
Il faut dire que j'étais élève dans l'établissement où travaillait ma mère. Et j'ai aimé "faire comme les grands", ceux que je voyais oeuvrer et admirais.
Enfantillages? pas seulement.
Comme beaucoup d'enfants à l'époque je me voyais aussi pompier ou général plus tard mais il était facile pour moi de jouer au maître, ayant sous la main le cadre adéquat.
Par la suite, études faites, je travaillai dans l'orientation scolaire, la recherche, le recrutement, la formation pour adulte.
Mais pour des raisons de sécurité d'emploi et sur l'insistance de ma mère, je passai un concours et fus nommé professeur de lycée.
Auparavant, je devais enseigner l'économie dans une dizaine d'école privées et j'en garde un bon souvenir: petits effectifs et élèves plutôt gentils, à Paris, de surcroît. Je me souviens qu'un temps, assez déprimé je donnai des cours chez moi à de petits élèves lors de notre période Vitry; ce fut un bon "anti-dépresseur", ces cours chez moi.
Je devais aussi enseigner encore la psychologie appliquée dans plusieurs écoles commerciales. J'en garde un excellent souvenir car cela contrastait avec l'enseignement en lycée, un peu routinier dans une banlieue triste, morne, médiocre, lointaine.
A part çà, je devais, au CNED, assurer des corrections de copie. Et à présent je continue avec le soutien scolaire depuis 16 ans; en effet, je devais quitter mon dernier établissment une peu avant l'âge légal de la retraite suite à l'impossibilité de faire cours face à des élèves indisciplinés et à une administration sourde à mes appels; à titre d'exemple, on fumait de l'herbe et son âcre odeur se sentait à plein nez...
Pour clore ce récapitulatif, je devais aussi être la vicime toute désignée d'un chef d'établissement antisémite et d'élèves déchaînés, je ne sais toujours pas pourquoi. J'eus droit même à des missives calomnieuses de parents d'élèves m'accusant... d'exhibitionnisme; en réalité, j'étais tellement sous stress qu'un jour revenant des wc j'omis de boutonner ma braguette! cet épisode fut exceptionnellement éprouvant; je dus mon salut à une mise en congé et à l'aide de mon ex-collègue devenue inspectrice, une antillaise à qui je serai reconnaissant toute ma vie, de même qu'au syndicat le plus influeunt à l'époque.
Honneur à ces collègues qui m'ont soutenu fermement. Pour résumer mon état d'esprit alors, je retournai devant les élèves la peur au ventre...Par la suite je retrouvai un lycée, toujours en banlieue plus "normal"et j'étais euphorique par contraste...
Qu'en est-il de ce métier d'enseignant? Difficile de répondre nettement; il y a tant et tant de situations, de la "classe de rêve" où les élèves en petit effectif se disputaient pour effacer le tableau noir alors que mes cours étaient à mes propres yeux soporifiques; je débutai et lisai quasiment un livre!
Mais dans l'ensemble, entre le pesant ennui et le calme en même temps de ce lycée de la vilaine banlieue (17 ans!) avec des collègues de très bon niveau et la passion que j'éprouvai dans une école commerciale qui me valorisait il est difficile de tirer un enseignement global. 
Ce que je peux dire: l'enseignement est un métier très exposé; les jeunes peuvent être adorables ou sans pitié. 
Très vite iles décèlent vos failles et soit ils les exploitent pour vous "descendre" sans états d'âme soit ils vous adulent. Peu de juste milieu. La qualité des rapport avec les collègues est déterminante; mais pour moi à l'exception des étéblissements à taille humaine (dans l'un d'eux je fus noté 16/20 par mes gentils élèves!) ces rapports n'étaient pas évidents; on n'aimait pas par exemple qu je déjeune en dehors du lycée à cause du bruit de la cantine.
Rien n'oblige à déjéuner au lycée. Mais un autre facteur est capital: la compétnce du chef d'étblissement. C'est le jour et la nuit entre deux chefs...
Je crois que fondamentalement en laissant de côté les cas exceptionnels il faut aimer le contact de la jeunesse, ce qui est mon cas et il faut avoir  le goût du savoir, passivement et activement.
C'est un métier faussement sécurisant; certes dans le public on bénéficie ou bénéficiait (tout change) de la sécurité de l'emploi et de ces vacances qu'on nous envie mais voir aussi le revers de la médaille!
C'est un métier qui reste malaisé car il met à nu toutes les composantes de votre être, et l'affect y un rôle décisif.
Aujourd'hui le tragique sort de Samuel Paty met en relief plusieurs choses: l'état actuel de la société avec la montée des intolérances, le manque de solidarité des profs, peut être l'inexpérience de ce jeune collègue; Samuel Paty faisait visiblement son métier avec passion et délicatesse et il l'exerçait avec la liberté que lui consent la loi,du moment que les programmes officiels sont respectés. Ah! ces "programmes", le mot résonne comme la Loi sacrée; il faut les boucler, véritable obsession des collègues...
Qu'aurais-je fait à sa place? Difficile à dire. Les situations locales sont très différentes. Un exemple: un gouffre sépare un lycée du 93 et un autre des beaux quartiers.
Je pense que je n'aurais pas eu le courage de commenter les caricatures compte tenu du climat actuel, très pesant et inquiétant.
Où on voit qu'un prof met tout en jeu, ses compétences techniques, son expérience, son état psychologqiue du moment, son sentiment d'être soutenu ou pas par la hiérarchie et les "chers collègues".
Ce que je peux dire pour terminer: l'école est devenue une usine à trier et ne répond plus au bel idéal républicain de Jules  Ferry.
Les temps ont changé, les élèves ont changé, la population a changé, les parents d'élèves aussi; l'école creuse les inégalités, affaiblie me semble-t-il par la concurrence des écoles parallèles: médias, réseaux dits sociaux, internet, wikipédia.
Le professeur et ce sera ma conclusion est de toutes les manières seul face à la "foule" et chaque jour il joue son sort et rien n'est gagné ni perdu d'avance.
Me vient à l'esprit l'image du torero dans l'arène. 
Soit il est encensé, idolatré, starisé, soit il est vilipendé, trainé dans la boue, guetté par la maladie mentale (record des suicides et des dépressions).

Samuel Paty a été la victime de son temps, de sa bienveillance, de son désir d'être libre et de donner à ses élèves celui de l'être.

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