Covid, tension et incommunicabilité des êtres

Rencontré à déjeuner mon ami franco-italien que j'ai connu dans ma seconde obédience. C'est un septuagénaire sportif; il aime nager et fait du vélo sur de longues distances; de Vincennes où il habite à Mo Raspail, tout près du cimetière des célébrités, celui de Montparanasse (hasard?) il a pris sa bicyclette.

Propos sur le catholicisme en pleine décadence en France; il me dit qu'à Vincennes, ils sont 4 à 5 % à fréquenter l'église; de plus suite au Covid, les ressources tarissent, enfin il trouve que le discours de l'église est inaudible aujourd'hui. "Dieu vous aime", çà ne lui parle pas.
Mais si j'ai aimé le  dynamisme de ce septuagénaire et si nous sommes tombés d'accord sur la grave crise existentielle (mortelle?) qui traverse la maçonnerie, reflet à mon avis de la puissante crise identitaire de la France, plus morcelée que jamais, à l'heure où chacun se renferme sur son nombril, individu ou collectivité...il n'empêche, cet homme bon, charitable, membre du Lions et du Rotary, ne m'écoute pas fondamentalement, de même que le sri-lankais pourtant "proche" de moi par son mariage avec une juive d'Allemagne de l'est et son appartenance à la même loge.
Chacun de ces deux hommes si différents a parlé d'abondance de SES problèmes; et moi, là dedans, qu'est-ce que j'étais pour eux?
J'avais la nette impression que certes ils étaient satisfaits de cette bouffée d'air à l'heure du terrible virus qui contribue à clore les âmes sur elles-mêmes à l'image du monde virtuel dévastateur qui chez les jeunes tient lieu de contact.
Pour moi c'est terrifiant, tout çà parce que je sens poindre une société de cyborgs où le mot "humain" deviendrait un mot poussiéreux propre à rejoindre le magasin des antiquités. J'ai peur, je l'avoue.
L'échange égalitaire, impliquant respect de l'autre, empathie, écoute surtout, dialogue vrai tend à disparaître et à faire place à un monologue où l'autre est contraint à endosser le rôle de chambre d'échos.
J'ai peur car aujourd'hui il devient miraculeux de communiquer avec authenticité. Comme dit Martin Buber le Je préfère communiquer avec le Cela plutôt qu'avec le Tu.
Heidegger dont on sait par ailleurs que jamais il n'a reconnu la responsabilité allemande dans l'Holcauste reste un des philosophes les plus puissants du 20ème siécle a pointé de manière pérmonitoire ce que la Technique allait faire de nous.
Nous y sommes, le cauchemar est déjà là.
Je disais l'autre jour cette vague de violence sans cause repérable, qui déferle sur la France.
Certes la crise sociale, économique, démocratique, sanitaier tout cela joue.
Mais je le crains les jeux vidéo où l'on massacre, tue, viole, détruit en pressant un bouton habitue les enfants et ados à ces crimes faciles.
Pour les futurs adultes, il serait aisé de epasser à l'acte ("je vais te dévisser la tête")
Ils passent à l'acte.
Et ils passeront à l'acte demain alors qu'une formidable crise sociale se profile pour la rentrée.
Carpe diem.
Il n'y a pas, il n'y a plus de société. Que des monades vivant dans des bulles, non pas des bulles; le mot est trop léger, trop ludique, trop pétillant; dans des cellules blindées où l'autre n'est plus rien qu'une cible...