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Choses vues entendues sues
12 mai 2019

Comparatisme

Toujours asphyxié par une solitude plus forte que jamais (On ne se trompe pas, non. Pas de téléphone, pas de sms, même par erreur, non; à mon avis, la vieillesse est en soi non seulement par elle-même une source sans fin d ennuis mais elle constitue un puissant pôle de répulsion), je vais, histoire d'oublier un peu traiter d'un sujet à priori difficile, celui du comparatisme.

Ce qui me donne cette opportunité?

La réception d un ouvrage de type universitaire sur les pensées de l'Inde, de la Chine et de la Grèce.

D'un abord difficile (non, ce n'est pas précisément une BD ni un manga) il tourne autour de deux axes: soit tout comparatisme est impossible étant donné une spécificité irréductible des cultures soit on peut comparer.

Mais d'abord qu'est-ce que comparer?

Comparer c est relever les points communs et les différences de deux éléments du Réel; par exemple je compare deux paires de chaussures d homme. En commun articles chaussants appartenant à la même catégorie d élément de la vêture et comme différence, couleur, forme, matériau, etc
Dans le domaine de la manière de penser (en philosophie), une première difficulté à laquelle se consacre la philosophe Barbara Cassin est la difficulté de rendre un mot d une langue dans une autre langue. Hors des mots courants, une table reste une table car tout le monde s'accorde. Dès qu'il s'agit d un concept philosophique  c'est plus ardu, ainsi du juste milieu chez Aristote; la médiété est un concept-pivot qu il va utiliser aussi bien dans son éthique que dans sa politisue que dans sa métaphysique et qui il reprend quelque peu en logique. Le milieu un point oscillant dans le continu-discontinu; le milieu est en rapport avec un début et une fin.

Je prendrai un exemple saisissant qui m a beaucoup frappé par son originalité; je feuilletais un gros dictionnaire de Musique. La définition d une note de musique: un point sur l ensemble des fréquences audibles qui est pour l'oreille humaine un point subjectivement stable; par exemple le fameux "la" qui sert d'étalon par rapport auquel se définissent les autres notes de la gamme occidentale. Il faut savoir que ce "la" varie avec les époques. Le "la" nous semble une position de repos, de stabilité, "agréable"; plus que cette position, c est rejeté et moins pareillement (mais comme toujours les choses sont plus compliquées: ce point d équilbre l est jusqu à un certain point selon le sujet, le moment, etc).

Revenons à Aristote dont on a parlé à la radio ce matin dans le cadre de la pensée islamique classique qui se situe souvent par rapport à lui.

Pour lui, "toute chose appelle son contrepoids pour atteindre mesure et moyenne"; en métaphysique, le principe ou la cause s avèrent être aussi fin et but. Une chose a un début, le concept de l'artisan, un objectif (une fonction) et une forme répondant à cet objectif. Par exemple si je fabrique une chaussure je ne vais pas fabriquer une tabatière etc.

La moyenne chez Aristote, a peu à voir avec la notion vulgaire de moyen dans la proposition: un élève moyen. Ce serait même l inverse; l élève moyen chez Aristote est celui parvenu au faite de ses possibilités, à l optimum, non situable dans une zone tiède et fade que rend le français "moyen".

Je crois que la notion centrale de "moyen" rejoint la pensée grecque classique; on sait que la notion d infini était insupportable à cette pensée parce qu impossible à concevoir, débordant la nature de l homme et de ce fait effrayante. Le fini est le parfait (parfait en français connote le parachevé, avec le préfixe "par" qualifiant la complétude.

La mesure rassure le Grec; il s'y sent chez lui, à l'aise; la cité grecque peut être arpentée à pied; elle est "à la mesure" des possibilités humaines. L"apeïron" désignant l Infini commence par le préfixe privatif "a"...Tout est dit!

Dans la pensée bouddhiste, Viktoria Lyssenko,de l Académie des Sciences de Russie, note à la fois des convergences et des divergences avec la pensée grecque classique.

Chez le Maître asiatique comme chez le Maître européen, le milieu se situe entre deux extrêmes à proscrire ( l homme n est pas un dieu ni un héros). Souvenons-nous: le sage asiatique a choisi la voie du milieu après avoir expérimenté des austérités mortelles à terme.

"Ni trop ni trop peu". La différence selon Lyssenko est dans la considération du monde qu est le nôtre; l'élève de Platon évolue dans cet univers proche de l Homme et à ce titre "anthropo-compatible". Le Bouddha récuse ce monde-ci, à cause de la souffrance pérenne, multiforme, axiale qui a déterminé sa vocation de maître spirituel. Il cherche à s en affranchir, à fuir ce samsara des illusions de notre Moi, "maître d'erreur et de fausseté"pour enfin atteindre au nirvana libérateur.
On voit que ces deux penseurs de l Occident et de l Orient se rejoignent et évoluent dans des univers autres.

Mais pour autant le dialogue reste possible.

Que conclure?

J ai trouvé cet article éblouissant par sa finesse, son érudition, son sens des nuances au delà d un comparatisme superficiel, trop souvent de mise.

 

Comme souvent je conclurai par une mise en perspective et une interrogation.

Déjà au plan individuel, considérons la difficulté à commun-iquer (rendre "commun"); je pense que parler simplement c est lancer une bouteille à la mer...Je me sens seul par exemple; comment l autre recevra-t-il cette phrase banale? L'autre ne s est jamais senti seul, il s est senti seul mais ce n'est pas un problème pour lui pusiqu il est si bien avec lui-même; il n entend pas cela littéralement car çà l'agace tant que le mot "seul" est vidé de sa substance etc.
Chaque être est unique et vit dans un monde à lui et à lui seul; plus fondamentalement il occupe déjà et basiquement une portion différente de l espace et du temps; je suis vieux (je sais!) et j habite Paris (je n aime pas cette ville!) les parenthèses qualifient subjectivement un donné objectif et mesurable.
Comment communiquer? On en voit les limites et chacun reste enfermé en lui; je pense souvent que la communication relève d un "miracle"; parfois même je me dis que le silence dans la contemplation commune ou le silence non parce qu il n y a rien à dire mais parce que l essentiel n est pas à dire mais à taire (Wiitgenstein à propos de la mystique et je dirais de l amour).
A fortori d une culture à une autre (6700 cultures dans le monde paraît-il) on n utilise pas les mêmes mots (cf le mythe de Babel) et au delà les mêmes catégories de la pensée.

Le problème est de fait redoutable et vertigineux.


Si nous appartenons à la même espèce avec des traits communs qui, ont que nous ne sommes ni des fourmis ni des chameaux, nous évoluons dans de espaces mentaux différents.

Je crois que la difficile intercompréhension est possible si l on communique en sachant que c est problématique et en se laissant questionner et en questionnant;

Je terminerai par un petite exemple "sensationnel" puisé dans un manga japonais. Un personnage est couvert de sang. Eh bien cela signifie qu il est très excité sexuellement.

Vous voyez bien...Si nous sommes tous des étrangers ( à commencer par nous-mêmes par rapport à nous; je suis si proche de moi que j en suis très éloigné mais pas que...) les uns par rapport aux autres il nous faut nous armer d humilité et savoir nous décentrer et savoir entendre l autre dans sa différence. Le sang exprime l excitation  sexuelle non la violence mais au fond le sang est aussi celui des menstrues et le viol n est-il pas violence.

Ma pensée se développe d autant plus qu elle est en capacité de se faire autre pour par contre-coup se retrouver telle qu en elle-même dans un procès permanent d identification- distanciation.

Le socle anthropologqiue commun implique donc l effort de dépasser les différences pour retrouver le fonds commun qui fait je le répète que les humains ne sont ni des fourmis ni des chameaux.

 

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