La destinée

Aujourd'hui j aimerais aborder la notion de destinée, telle que je la conçois et telle que je puis avec mes moyens en rendre compte. J'imagine un test comme il y en a sur tout et rien à notre époque. Personnellement, je ne suis pas hostile à ce type de tests qui fleurissent dans la presse dite "populaire"; ils ont a minima cet avantage: nous faire prendre conscience de nous-mêmes, nous alerter, nous connaître, même sommairement.

La destinée donc (je me suis aperçu que j'en ai déjà parlé dans ce blog) mais ce thème (cas de le dire) me tient à coeur. Disons tout de suite que je suis né sur la rive sud de la méditerranée et "la destinée" revenait assez souvent dans la conversation des "grandes personnes"; en général le "mektoub" (équivalent en arabe de "destinée" qui littéralement signifie c'est écrit, précisément, dans le ciel; selon une vieille croyance chacun aurait "son" livre dans le ciel avec ses dates de naissance et de mort et ce qui se passe entre les deux). En général ce mot était associé au mauvais sort et au malheur. Ainsi pouvait-on dire de quelqu'un mort accidentellement et plutôt dans son jeune âge et absurdement, que ce devait être ainsi. Autre locution souvent entendue: c'est sa destinée, ce qui implique deux choses: ce qui lui arrive, lui tombe dessus, lui est imparti, à lui précisément (on revient au livre céleste) et en second lieu ce qui est arrivé ne pouvait pas ne pas être.

Donc notion d inévitabilité et de singularité. L individu est soumis à une force à laquelle il ne saurait échapper. C est bien de fatalisme qu il est question, de croyance au Fatum des Anciens chez les Romains, à l Anangkê des Grecs. Une force contre laquelle, quoi que vous ayez fait (on a fait appel aux meilleurs médecins, on a agi rapidement, etc) vous ne pouviez rien. 

Dans la culture classique, les tragédies raciniennes mettent en scène  cette lutte inégale entre le personnage principal (on pense à Phèdre par exemple) et ce Destin d'airain, sorte de personnage implacable, inflexible, aveugle et sourd aux supplications des malheureux mortels.

Qu'en est-il en cette époque de haute technologie, de progrès incessants de la médecine et surtout de rationalisme apparemment triomphant? Il en reste quelque chose, y compris chez les gens les plus "éduqués". La notion de destin s'impose lorsque effectivement tout ce qu il est possible de faire a été fait et que, décidément cette force indomptable vient à l encontre de tout ce qui a été entrepris. Je pense au cas de Martin Gray, unique rescapé des camps de la mort de sa famille, ayant dû tout reconstruire, à nouveau frappé par le mauvais sort, lorsqu un incendie a détruit sa belle villa sur la Côte d'Azur et balayé la vie des siens. A nouveau tout reprendre à zéro...Il est sorti un livre de cette tragédie renouvelée...

Il m'est difficile de traduire en langage de la raison cette notion qui met en jeu le hasard, un concours de circonstances, sans doute calculable par la statistique la plus sophistiquée, mais dans l après-coup. L' Homme contemporain n aime pas ce qui résiste à sa raison. A défaut de comprendre avant, il va s'efforcer de comprendre a posteriori. Trop tard existentiellement, mais toujours à temps rationnellement...

J ai lu, il y a pas mal de temps, un ouvrage d un professeur à Sciences Po qui nous expliquait doctement et de manière convaincante que l Histoire humaine obéissait à une logique, à un cheminement, à un processus "prévisibles". Comme un tracé qui a un sens: une fois admis un fait déclencheur, ce qui suivra a une haute probabilité de réalisation. Tout le problème est la position du curseur. A partir de quel moment précis faire partir la séquence "fatale" d'évènements? Mais si l' analyse de ce politologue est brillante pour nombre de faits et satisfait notre raison, il n' empêche, à l'échelle d'une vie (on peut prndre la perspective historique: le chasse-mouches d'Alger ou le nez de Cléopâtre) pourquoi ce monsieur, cette dame, décide (ou est contraint de le faire) au dernier moment de ne pas prendre tel avion ou hélico qui aura un accident? Le sait-il toujours lui-même. Ici dans ces cas, la Raison déclare forfait...

Il est temps de prendre connaissance de votre livre céleste ou de consulter la voyante; je sais bien, les esprits forts récrimineront... Mais allez, à chacun ses superstitions...Freud jouait avec les nombres et croyait à leur puissance.

Reste la mince minorité de gens qui ne craignent pas la mort, soit parce qu ils croient en une après-vie, soit qu ils l 'ont examinée en face et nous disent l avoir intégrée...

Au fait aujourd'hui, c est la Toussaint, jour dit "des morts". 
Est-ce un hasard si j ai traité le sujet? Une suggestion préconsciente? Ou le destin? Le mot est trop grand pour une si petite chose mais il y a peut-être en cherchant bien un "motif dans le tapis"...Mais bon, il y aurait plus intéressant pour aiguiser son intelligence et sa faculté de raisonner...