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Choses vues entendues sues
30 octobre 2016

Solitude? Non, mutation tératologique de l espèce

Samedi un peu moins long, un peu mois triste, un peu plus léger.

C'est la seconde fois que vient travailler chez moi un étudiant mexicain en écologie; il suit des cours en master d écologie au Museum d histoire naturelle, institution prestigieuse hantée par le souvenir de très grands savants et à la riche et longue histoire. Les peuples d'Amérique se plaignent de leur manque d'histoire; ici, en Europe et en France en particulier l histoire me pèse; un peu comme si elle encombrait ma mémoire et me bridait, sur l'air de "bof, tout ce que tu feras, diras, entreprendras, ça a déjà été fait..." Comme quoi on n est jamais content de ce qu on a...

Revenons à notre étudiant: type mexicain, je veux dire, ce mixte d'espagnol du sud et d' amérindien. Au début il m' as emblé mal à l aise; je lui ai dit quelques mots en espagnol pour le mettre à l'aise mais çà ne semblait pas trop lui plaire et je lui ai parlé du Mexique que j ai visité à une époque moins troublée qu 'aujourd'hui ( j'ai évoqué le survol de la ville de Mexico avant l atterrissage, ce cirque de montagnes impressionnant, cette banlieue interminable, Cancun la tropicale, Oaxaca la coloniale restée "indigène", Mérida sans intêrêt dans mon souvenir. Et surtout à Oaxaca une tequilla avec un ver au fond de la bouteille, partagée avec une femme me lançant des oeillades passionnées...L unique fois de ma vie. Hélas elle me paraissait trop âgée mais j étais flatté).

Le jeune homme s est dégelé vraiment avec moi, s est montré d une gentillesse confondante, si rare de nos jours et ici; et cerise sur le gâteau, s est ingénié à faire un ménage impeccable; à la fin de son travail, on a parlé, nous nous sommes confiés l un à l autre. Il trouve comme moi les parisiens froids, alors qu' au tout début, il n osait rien en dire. Je lui ai dit mon immense solitude; garçon sensible et intelligent, il a même accepté de m accompagner ici ou là de temps à autre après son labeur.. Je pense qu'il a trouvé en moi une sorte de père bis; le sien a divorcé pour partir à Chicago avec une nouvelle compagne: voilà les moeurs de ce temps: tu ne me plais, plus même après dix jours et hop! allons-y cherchons autre chose au supermarché des êtres humains. Le jeune homme partage mon analyse de la Crise contemporaine: l explosion des solitudes est liée selon lui à la technologie dévoreuse de temps et d hommes qui peu à peu nous déshabitue de la relation vraie et nous déshumanise (je veux dire nous mécanise, nous "désaffecte".) Comme je l' ai déjà dit dans un numéro de ce blog, la soi-disant humanitude résiduelle consiste soit en "amour" abstrait d une humanité abstraite, soit en explosion hystérique et brévissime orchestrée par les média et/ ou le pouvoir en place.

Du toc, du faux, du compassé, de l artefactuel...J ai peur du futur qui nous attend à partir de ce qui est déjà. L homme n est plus un loup pour l homme, comme pensait Hobbes à partir de ce qu' il avait sous les yeux; à partir de ce que j ai sous les yeux j' anticipe puisque rien n' arrête la marche infernale des écrans, des tablettes, des selfies, des objets interconnectés, des robots qui s apprêtent à déferler.
Non l homme, j y insiste (sauf rares exceptions, -pourquoi au juste?- comme ce jeune mexicain et quelques autres; (des phénomènes par rapport à la masse) est devenu aliéné: à l amour il préfère l émotion, au temps long de l apprentissage (apprenti-sage) le temps court de l' effusion capricieuse, à l attachement le dating express. Au total l égo triomphe: moi-moi-moi-moi sans fin...


Je ne sais pas comment évolue notre espèce car la phase actuelle me semble si grave (du reste on est en pleine aliénation puisque la majorité de nos contemporains ne se rendent même plus compte de la gravité de cette mutation négative) que je me pose la question: y a-ti-l une survie possible pour l homme en tant qu' homme...
Je convoquerais Marx (le travail réifiant; il l' est de plus en plus, quand on a un emploi encore); Freud ( l homme est en déséquilibre entre une cérébralisation excessive et toute la sphère des sentiments censurée; c est le prix à ^payer selon le maître de Vienne de la modernité) et Marcuse ( l homme est réduit à sa plus simple expression ; il est unidimensionnel; homme-consommateur-consommé selon une lecture libre). Orwell dans ces conditions est largement dépassé...Ses récits deveiennent au vu de l évolution actuelle des contes pour enfants...

Je suis très inquiet de cette psychose collective (je rappelle que la psychose désigne le groupe de pathologies le plus grave et préoccupant avec déni de réalité, comportements mécaniques, disparition des sentiments); je trouve particulièrement significatif l emploi à tort et à travers des mots "empathie" convivialité bonheur compassion alors que sévissent l incompréhension, la mécompréhension, l aveuglement, l évitement de l autre le mal-être le mépris l indifférence.

Je me suis souvent posé la question: pourquoi cette déshumanisation? Phénomène complexe, il a à mon avis plusieurs déterminants: la technologie invasive qui coupe les contacts, enferme dans un égo appauvri par la déferlante des images-artefacts, habitue à la violence (jeux vidéo de plus en plus durs et gore: banalisation du mal), la puissance des média qui dicte les conduites, la perte des repères moraux avec l effondrement des systémes de croyances (il y avait aussi du bon là dedans) la crise économique et sociale  en rajoute une couche, avec la peur et la méfiance généralisée...L autre comme celui qui peut me voler, m agresser me tuer....

Un seul exemple à titre illustratif; vous déjeunez avec un "ami" âgé de surcroît; il trouve le moyen d être appelé les 3/4 du temps par l' instrument du diable, le portable. La personne vous aura consacré 10 minutes sur une heure et demi...pour dire des banalités ou proférer des paroles "blanches".

Quand un être humain dit ainsi sa préférence pour une machine en lieu et place d' un échange et d' un partage avec un congénère, je suis convaincu que la civilisation n a plus beaucoup d'avenir...

Dans une vision de cauchemar, j' anticipe ceci: vague de viols, de violences, vague de suicides et enfin dans une Apocalypse de fin (de fin absolue), autodestruction universelle de ce qui exista des millénaires durant sous le nom d espèce humaine...

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