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Choses vues entendues sues
19 octobre 2016

Guérir

Me rendant hier après-midi à la bibliothèque du 15me, lieu tranquille (il en existe encore) je tombai en arrêt devant le livre de Shossel (sauf erreur d orthographe) sur "l'anxiété", best-seller mondial, cet ouvrage fait un point très complet sur l anxiété, un des maux majeurs d une époque tourmentée.

L auteur, intellectuel américain distingué, a souffert cruellement d une anxiété chronique d une intensité exceptionnelle. Il a eu recours à tout ce qui existe en matière de médicaments sur le marché, à quantité de praticiens, et essayé quantité de techniques; pour ce livre qui lui a demandé des années de labeur, il a couvert la littérature traitant dun thèmet vieux comme le monde (Aristote notait les affinités de la bile noire avec le génie).

A l heure actuelle il arrive à cette conclusion: il faut apprendre à vivre AVEC son mal. Ma souffrance actuelle, accrue avec le passage du temps, il faudra donc que j apprenne à coexister avec...A moins que la médecine trouve un moyen de résoudre le problème. Doutes...

Elargissons le débat: au fond n en est-il pas de même avec bien des maux, des maladies, qu elles soient émergentes ou anciennes. Vivre avec, constat d échec ou voie de sagesse? La question mérite d être posée avec, comme toile de fond, l efficacité de la médecine et ses limites. Cette impuissance de la médecine est quelque part rassurante: "elle" ne peut pas tout, à l image des êtres humains qui la servent et ce, malgré ses incessants progrès (la course-poursuite mal-remède semble éternelle).

Au delà, vous avez tel mal, votre médecin vous prescrit tel médicament et vous guérissez. Guérir, encore une notion en apparence claire et simple; elle ne l est pas tant que çà: guérir, est-ce retrouver le statu quo ante? Rien n est moins sûr; à mon avis, votre corps garde une "mémoire" de votre bobo. Un exemple personnel banal: un jour de forte averse, j eus une infection à l index de la main gauche. J allais voir mon généraliste qui fit tout ce qu il y avait lieu de faire, y compris une vaccination anti tétanos; guérison...Totale? Non puisque j ai une sensibilité à ce doigt depuis lors. Chacun peut apporter des exemples personnels; et du reste le processus d immunisation signe bien que le corps n est plus le même après une maladie...Je rappelle qu à Vienne un école médicale - cas extrême -  le nihilisme thérapeutique, prônait de ne rien faire, d attendre que la nature fasse son travail (ou le temps). On peut trouver cette doctrine chez le psychanalyste Groddeck. En remontant le temps, rappelons le fameux adage du père de la chirurgie Ambroise Paré: "je le pansai, Dieu le guérit"; beau témoignage d humilité devant des forces qui nous dépassent.

Le sujet est trop vaste pour un petit blog, j en ai conscience. Encore quelques réflexions: le mal est en définitive une notion trop relative, évolutive, incertaine, ambivalente. La maladie est part intégrante de la condition humaine. En psychiatrie, on parle de normopathie à propos de gens qui ne souffrent de rien? Il paraît que c" est très grave...

Revenons à l anxiété dont Shossel nous rappelait l archéologie, la persistance, l' actualité et l universalité. L anxiété, pour beaucoup de penseurs, est un problème crucial et difficile à penser justement (Freud) ou une dimension de la condition humaine (nous sommes mortels et nous le savons, nous sommes libres et cette liberté angoisse; cf Sartre) ou encore une condition du progrès; l Homme acculé par "la force du destin" (Verdi) fait appel à toutes ses ressources pour trouver une solution. Question souvent de vie ou de mort...La souffrance enseigne; le romantisme allemand le savait bien. La souffrance est la voie la plus rapide de parvenir à la Connaissance.

Une fois encore, je me refèrerai au chef d oeuvre de Thomas Mann "la montagne magique". L auteur nous montre avec brio que le mal est une nécessité et a plus d un lien avec la culture humaine et la créativité. 

Certes la souffrance signe notre appartenance au monde des vivants mais sa négativité faciale a un revers la potentialité qu il recèle et son pouvoir de conscientisation.

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Commentaires
S
Merci pour cette réflexion on y retrouve une capacité d'analyse très inspirante
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