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Choses vues entendues sues
19 novembre 2020

Le mal-être des jeunes

Une information circule et enfle depuis des jours dans la presse écrite et audio-visuelle: le mal-être des jeunes...
J'ai mon mot à dire là-dessus. Pour au moins trois raisons: j'ai été jeune moi-même et étudiant, l'essentiel de mes études portait sur les sciences sociales et je rencontre des jeunes.
Puisant dans mes souvenirs, je note une nette différence de mon bien-être mental, entre ma situation de lycéen en prépa lettres et celle en faculté.
Dans le premier cas, la taille humaine et le possibilité de relations personnelles, un cadre sécurisant, connu, des enseignants certes médiocres par rapport à ceux de Carnot Tunis (eh oui!) mais proches; dans le second, la foule anonyme, la foule solitaire (Riesmann), des profs présents pour délivrer leur cours et s'en délivrer, plus concernés par leur propre recherche que par leurs étudiants, la difficulté de certains cours (pour certains d'entre eux la pédagogie, connais pas!) et l'anomie comme régle... 
Cela me fait penser à cette immeuble-barre immense de Vitry sur Seine; personne ne connait personne; un agrégat de solitudes où j'ai dû vivre avec mes parents et mon frère après leur arrivée en France (l'enfer de la banlieue parisienne).
La différence a été sensible: qui avait le moral dans cete anonymat de la Sorbonne et de ses amphis surchargés?
Je pense: les étudiants engagés dans la militance politique ou syndicale ou sans doute ceux qui avaient une compagne ou un compagnon pour affronter ce vide social dans le trop-pleine des amphis (dans les stades de foot, il y a des miliers de supporters mais un lien invisible soude les gens donnant sens à leur être-ensemble, le fait de  supporter telle ou telle équipe...)
Durkheim a montré dans sa célèbre étude sur "le suicide" qui fait date que ce sont les gens qui appartiennent à des groupes solidaires qui résistent le mieux aux difficultés de l'existence.
La jeunesse est un état transitoire, fragile, ambigu déjà per se (on dépend et on ne dépend pas de la famille) et la bande de copains est décisive; j'étais bien seul et me sentais bien seul à part un autre étudiant, un portugais expansif grâce auquel je retrouvais un peu de la chaleur méditerranéenne que j'avais bien perdue.
Justement ce garçon gentil travaillait furieusement, restant en bibliothèque jusqu'à sa fermeture.
Moi, toujours indolent (pourquoi?) je me laissais vivre, faisant durer plus que de raison mes études.
Où le travail s'avère un remède, clairement mais pour travailler il faut être motivé et pour être motivé il faut travailler (la poule et l'oeuf).
Je suis actuellement et depuis presque 20 ans des jeunes mais je me garde de confondre les âges; un lycéen n'est pas (encore) un étudiant, il vit en famille encore; mais il est dur d'être lycéen de nos jours: classes surchargées, programmes déments et déconnectés du monde réel, profs mal dans leur peau (ce métier très dévalorisé n'attire plus grand monde).
Il est encore plus dur d'être et lycéen et étudiant en temps de covid: les troubles anxio-dépressifs explosent ainsi que la tentation suicidaire, selon les chiffres et les causes objectives ne manquent pas: aux causes déjà évoquées s'ajoutent l'incertitude des lendemains, la perte des petits jobs, de stages, le passage obligé au distanciel.
On a beau être "moderne" mais rien ne remplace le Réel dur souvent mais nécessaire par son poids de vérité et sa densité existentielle.
C'est comme si au restaurant on vous servait des plats sous forme de belles photos couleur...


Notre société est bien malade covid ou pas.


J'écoutais à la radio un intéressant témoignage, celui d'un Rwandais établi en France depuis des années, il avait fui avec ses parents le terrible génocide de son pays.
Devenu musicien et écrivain il avait les mots qui sonnaient juste; il décrivait sa situation étant jeune dans cette banlieue parisienne qui prolifère de jour en jour avec son béton recouvrant tout, creuset des détresses; chacun sur son canapé s'enivrant de télé (on est loin de la brousse africaine) mais seul dans son coin parmi d'autres personnes seules dans leur coin.
Cette personne avait lui cette possibilité de créer, de composer, d'écrire. Mais voilà tout le monde n'a pas ses ressources.
Que conclure?
Le covid ici comme ailleurs a généré beaucoup de souffrances voire de morts hélas. Et cet écrivain lui aussi en a souffert mais il a mis à nu les dysfonctionnements de son pays d'accueil.
A mon avis, le lien social et le sens de la vie ont partie liée et le sens de la vie, c'est aussi l'inscription dans un pro-jet personnel et/ ou collectif.
Et ce projet reçoit le renfort puissant du groupe humain qui soutient, réconforte, réassure, narcissise. 
De personne dans la masse informe on devient une personne parmi d'autres personnes qui ont un nom, un visage, une histoire. Le portugais né en Angola, un pied noir en quelque sorte, dont je parlais mentionnait un jour cette sensation d'être un grain de pousiièer parmi d'autres grains de poussière
Ces personnes, nous nous reconnaissons en elles comme elles en nous.
Il est triste de comparer pour moi la "folle" jeunesse des années 70, engagée, enragée, souvent violente mais joyeuse à cette jeunesse du 21ème siècle, sans objectifs, triste, dépolitisée, avec ce nombre de vieux record autour d'elle et barrée dans son désir de faire la fête, comme "ils" disent.
Hier une adolescente me parlait de la ruine des patrons de boites de nuit.
Tout est dit; on peut entendre derrière ces mots la frustration et sans doute le désarroi de cette jeune fille, très mature. 
Folle jeunesse dit-on, mais si cette folie de la jeunesse était en fait la véritable garante de leur santé mentale? 

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