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Choses vues entendues sues
10 décembre 2019

Pourquoi "je me plains"...

La philosophie comme la psychothérapie comme les échanges comme un certain "art de vivre" comme le bouddhisme tel qu'il est enseigné à l'école occidentale de méditation comme la franc-maçonnerie nous enseignent de réinterroger constamment notre manière d'être, nos modes de pensée et nos modes de sentir...
Pour des raisons profondes: ne pas être emprisonné dans soi-même et, de plus, suivre le mouvement de la vie et en particulier de la vie au 21ème siècle, caractérisée par des mutations incessantes. Malebranche disait: "une âme morte est une âme complètement habituée."
Aussi aujourd'hui vais-je me penser ce qui m'est souvent reproché, à savoir ma vision pessimiste de  la vie et le fait, l'habitus dirait Bourdieu de la plainte chronique. (au fait car j'aime jouer sur les mots, n'oublions pas que "plainte" signifie aussi " demande de réparation à la police")

Je dis de nouveau d'emblée que, venant de Tunisie, je fus frappé par la patience énorme des Parisiens face aux difficultés du quotidien; oui, déjà à l'époque! Et aujourd'hui donc!
On est incarcéré dans 600 km de bouchons pour se rendre au travail (mais comment faire autrement? on ne peut pas, avec une baguette magique, se faire pousser des ailes. Le gâchis humain, social, économique est phénoménal; en dernière analyse, pas d'inquiétude, c'est vous, c'est moi, c'est nous qui payerons la facture; et elle sera salée...

On a interviewé des gens et je suis stupéfié par leur calme; une jeune infirmière a du marcher près de deux; oui deux heures pour se rendre au travail sinon il y aurait eu risque de mort chez ses patients; et elle disait cela avec le sourire encore...On pourrait multiplier les exemples (ce gouvernement se montre d'une inflexible brutalité et à mon avis on n'a jamais autant souffert de son fait en France depuis de longues décennies sauf à se masquer la réalité ou  vivre dans son rêve.

Mais revenons à ma petite, toute petite personne.

Est-ce que je me plains constamment? D'abord je constate que je ne pense pas être si "monobloc"; je dirais que tout dépend de la personne avec qui je suis; mon frère est aux premières loges car tout le temps que nous nous sommes vus pour aller visister notre maman à ce terrible ehpad-prison (oui, c en est une au delà des apparences trompeuses; encore un scandale français).
Je lui parlais à maintes reprises de ma solitude; pourquoi? Parce que je n'ai que lui en guise de famille et qu'il est plus jeune que moi et que sa vieillesse est du coup plus aisée à supporter et que lui a une famille (une fille brillante et une femme elle-même d'une froideur remarquable qui ne me voient plus depuis six ans, j'ignore pourquoi encore et dont il se dit séparé; ce frère a quitté très tôt le domicile familial pour vivre dans une chambre d'étudiant; à mon avis il supportait mal la connivence - pour lui! - entre ma mère et moi. de ce fait la solitude si solitude il y a, lui est moins douloureuse; il a appris à vivre dans une bulle que lui apportait la pratique du dessin, sa "passion" pour laquelle il a obtenu un prix au concours général. Je pense que ce dessin était (est toujours semble-t-il; au passage on notera les conjectures auxquelles je dois me livrer puisque ce frère ne dit rien de "son privé"!) pour lui un refuge, un cocon, une manière de fuir un réel insupportable. Quel "réel"? de nouveau, à mon avis, le lien fort qu'il pensait percevoir entre ma mère et moi (les choses ne sont pas si simples; si quelqu'un a "souffert" de ce lien "fou", c'est d'abord moi!)

Je me plaignais donc derechef à chaque rencontre sans effet dans l'espoir fou qu'une fissure dans le blindage apparaisse enfin, pour entendre enfin de lui un mot d'apaisement, un geste d'empathie...
Espoir toujours déçu d'où la reprise de la plainte: mais la thérapeute m'a très vite appris que les gens qui ne veulent pas entendre n'entendent pas...C'est le cas...Je m'interroge sur cette surdité psychique.
Plusieurs possibles:une minimisation de la plainte ("s'il revient toujours là-dessus ce n'est pas grave" à l'image d'un vieillard qui se plaint de ses douleurs au dos), une baisse spontanée de l'attention à l'écoute, couplée à un déport de la pensée ailleurs, un ailleurs comme le  dessin, un enfermement dans "sa chambre à soi" (selon la belle iamge de Virginia Woolf, femme de génie et grande névrosée).

Mais soyons clairs, une fois "le moment plaintif passé", je passai à autre chose et là je retrouvai mon frère que j'avais aimé enfant alors que nous jouions ensemble et nous parlions philosophie, bouddhisme, économie; comme je dis souvent chez mon frère l'étage cérébral fonctionne mais aux dépens de l'étage "humain" soit affectif, émotionnel, empathique, celui du coeur. Je ne dis pas que je suis un modèle sous cet angle mais quand même...

Cette "propension" à la plainte"  a été observée quelque peu dans une des nombreuses sessions de psychothérapie de groupe que j'ai du suivre; elle a été relevée par un médecin-patient que j'estimais beaucoup pour sa finesse et sa culture qui disait: Jean-Louis se plaint  d'abord et puis on passe à autre chose, de mieux. Bien vu, Docteur

De fait je crois que cet usage de la plainte revient à aller jeter le contenu de la poubelle dans la cave; après on se sent plus léger. Fonction cathartique de la plainte d'un vrebe grec qui signifie "purgation"; rappelons Molière où les purgatifs avaient un rôle universel dans pas mal de maladies

Je redis avec force qu'il n'en est pas ainsi partout, toujours, avec tout le monde. Notamment avec mes ami(e)s. Il m'arrive de me plaindre mais moderato et il y a une contrepartie; je suis capable de faire de l'humour, de partager de bonnes choses, de faire plaisir. Quand je suis en "bonne compagnie" j'aime plaisanter ou débattre, échanger des idées, m'instruire, admirer l'autre.

A mon avis, il ya aussi des raisons objectives de la plainte, le monde tel qu'il va. Je suis doté (hélas?) d'une hypersensibilité (qui - un exemple - est telle qu'écouter de la musique classique m'est quasi insupportable tant cela m'affecte) supérieure à la moyenne et je ne m'en vante pas. Donc, monde objectivement dur et sensibilité aiguë donnent plainte.

A la réflexion que la simple rédaction de ce blog met en marche je crois que ma biographie est un motif puissant de cette plainte mais on peut rétorquer: d'autres ont vécu pire et pourtant.

Un exemple: la révolte du ghetto de Varsovie; les nazis décidèrent un jour de liquider enfin ce qui restait de Juifs; il leur a fallu plusieurs jours pour çà, malgré un armement puissant; un jeune héros, Mordekhaï Anielewicz, a su tenir avec quelques autres en faisant le sacrifice de sa vie...

Je veux dire par là que, oui, il y a des gens qui, exposés à de terribles difficultés "s'en sortent" par l'action, notamment.

Ce n'est pas mon cas; je ne suis pas un homme d'action.
Pourquoi? une fois de plus ma mère m'a tenu à l'écart des ennuis de la vie quotidienne; elle a joué le rôle de "moi auxiliaire", ce qui pour elle était un moyen de s'affirmer, de réparer ses propres manques, je crois.
Et c'est moi qui lui ai "servi" parce que c'était plus simple, accessible, proche... Qu'auriez-vous fait à ma place? Je crois certes que ma mère ne peut porter le chapeau toute seule; j ai beaucoup réfléchi; d'autres facteurs entrent en ligne de compte: héritage génétique, "absence" psychologqiue du mari comme contrepoids, maladies infantiles suravlorisées par un puissant entourage médical, syndrome de la mère juive "toujours inquiète" jouant le rôle de modèle même inconsciemment (facteur culturel donc)

Pour finir provisoirement, je pense que cette position victimaire qu est la mienne au travers de la plainte s'origine dans mon statut au seine de la petite (et de la grande famille): c est celui qui a échappé à la mort, celui qui a survécu à sa tante "romantiue tant regrettée, celui qui a été castré pour reprendre la forte et si juste métaphore freudienne).
De plus les mots disent et derrière eux il y a surtout s'ils reviennent tels une signature, d'autres mots non dits; les mots dévoilent tout en voilant; c est cette "entente", de ces mots "du dessous" avec la "troisième oreille" (Reik) qui fait les grands analystes. Je pense encore à Jacques Lacan qui foudroyait ses adversaires dans les amphis où il officiait; il tétanisait parce qu'ils leur renvoyait la balle, à la vitesse de l'éclair mais une autre balle où ils se reconnaissaient tout autres mais vrais, médusés...

La plainte de J.-L. est une adresse et une demande; une adresse à quelqu'un mais qui? La femme que je n ai pas eu; la mère que j aurais pu,voulu, aimé avoir, le père pas assez là pour me construire comme un homme à part entière (pas, entièrement à part), le frère aimant qui m'a manqué, l'ami idéal manquant; je suis manqué parce qu on m a manqué au double sens de "raté" dans ma fabrication et manqué parce que l'être à qui mon sos était lancé n'a pas répondu ou a répondu "à côté de la plaque": je suis là pour toi, Jean-Louis.

Derrière le "ronchonnement" il y a la révolte sourde, le geste désespéré de elui qui veut se faire entendre c à d comprendre, enfin.
Je ne suis aps ce que vous croyez, je ne suis pas ce que vous avez fait de moi, je ne suis pas là où je souhaitais être.

La plainte est la forme personnelle d'un cri répété qui comme une bouteille à la mer (la mère) signifiant: écoute-moi enfin. Ma voix est palintive oui mais faute de mieux.

La demande d'amour et de respect de soi par l'Autre peut prendre ainsi de multiples formes...et les plus inattendues...

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Commentaires
M
Belle analyse de votre état de plainte, j'aime beaucoup. Le résumé en quelque sorte d'après moi, c'est le manque d'une compagne d'une femme amoureuse comme l'impression d'avoir manqué le coche. Moi, sans Amour je ne suis rien donc je comprends. Je vous embrasse.
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