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Choses vues entendues sues
7 avril 2019

Un jour, c est une année

On ne peut jurer de rien pour reprendre le titre d une pièce de théâtre célèbre.

J ai insisté hier sur le coup ce blues très intense qui m a assiégé où entre bien des ingrédients dont une bonne part indéchiffrable.

Aussi me suis-je aventuré à sortir avec la force que j ai du déployer pour le faire (gilets jaunes encore et toujours), météo maussade, longueur du trajet); et puis zut! allons-y me suis dit. Je me suis donc rendu à l invitation de la gldf réservée aux "officiers". Un honorable spécialiste de la mythologie hellénique devait nous parler des "Mystères d'Eleusis". Conférence très (trop) dense avec toutes les précisions voulues: le volume d un Que Sais-je?.

J'avais pris la précaution de me munir (heureuse idée) d un cahier de notes comme l étudiant que j ai (trop) longtemps été et que je continue à être (un seul exemple: depuis 20 ans et plus j ai suivi des cours dans une quinzaine de discipline à la Philotechnique: Math et Physique niveau 1ère S, Histoire de la musique, Solfège, Histoire de la Grèce Antique, Droit, Géologie niveau 1ère année de licence, Biologie, Génétique, Philosophie, Histoire du cinéma etc). Je sens que j étale mon "savoir" pour me revaloriser à mes yeux suite, aux blessures narcissiques de l âge et de l actuelle conjoncture pas précisément positive.

Mais voilà: dans la petite salle que je commence à connaître les gens sont arrivés peu à peu (j ai souvent observé que mon comportement était aussi celui d'autres personnes; ne jamais oublier cette dimension "sociologique",; vous vous croyez seul à faire telle chose et de fait vous faites nombre). De plus le distingué orateur, médecin de son état et helléniste (j oubliais j'ai fait aussi deux ans de grec ancien à la même philotechnique) était impressionnant par la richesse de son information, mais il y avait un hic...La complexité même de la mythologie grecque est un défi pour l auditeur moyen sauf à avoir une attention et une mémoire hors du commun.

Cependant quelque chose manquait; ce je ne sais quoi (Jankelevitch) qui fait les excellents conférenciers: une tonalité de vécu, d émotion, de vivant. J aurais envie de dire pour illustrer mon propose; autant se munir d un bon "que sais-je" ou autant suivre une vidéo sur You Tube...

Enfin j ai senti comme avec des antennes la...tristesse ambiante. Grisaille de la journée, fraîcheur anormale de la météo, gilets jaune oeuvrant dans Paris (où?) créant une sorte d obsession... Plus, je pense ma propre tristesse en surimpression sur les choses.

Mais lesdites choses devaient basculer peu à peu, je me payai une bonne salade à la brasserie voisine: pas mal du tout ma foi et l afflux pré-conscient de souvenirs en nombre; j ai fréquenté cette brasserie alors que j ai été d abord membre de la gldf il y a ...un quart de siècle...eh oui on accumule les années...

Et pendant la conférence met après mon portable s est mis à vivre, je veux dire à vibrer: ô surprise le mexicain; je pensais en avoir fini avec lui; il m envoya une nouvelle photo disant que je lui manquais beaucoup (?) et qu il était prêt à m aider financièrement et à me tenir compagnie (il est vrai que cette fois je répondai sur une demande que je souffrais de la solitude). Assez stupéfiant! Il me précisa qu il était en colocation à Dupleix, qu il comptait se trouver une chambre pour lui seul. etc etc

Pour le coup les Mystères d Eleusis avaient joué en ma faveur (sourire...ces Mystères en gros symbolisaient pour les Grecs seuls ("racisme" des Hellènes mais ne tombons pas dans un sot anachronisme) l initiation par excellence  c est-à-dire le fameux "meurs et deviens" que reprendra Goethe, un grand initié...

Et sidéré par cette reprise de contact j hésitai puis donnai enfin des informations sur moi.

Je reparlerai de ce garçon décidément difficile à déchiffrer.

L après-midi je repartai vers mon nouvel élève Quentin cette fois en pantalon beige et sweater (on change de look beaucoup à cet âge) et absent de la pièce au canapé, encore un canapé...(on change aussi de localisation et d attitude; bon, pas de généralité).

Le travial prévu par moi n a pas été fait bien entendu, mais j ai l habitude et je suis si compréhensif envers les jeunes.

Nous avons terminé la question cours sur trois textes: Proust, Duras, Camus face aux image animées: lanterne magique ou cinéma des années 20; le sujet tournait autour des réactions des trois auteurs. Je terminai donc avec Camus, dans le descriptif et l accent mis sur le personnage de sa grand-mère mais j y pense à l instant: l auteur de "la peste" avait cru utile de préciser la ségéragation entre deus publics, celui plus aisé placé dès son arrivée sur des sièges et l autre public voué aux bancs et admis plus tard; on y reconnaîtra l engagement du Camus adulte qui devait dénoncer l effrayante misère des "indigènes" en Algérie.

Il restait à traiter la "grande question"; ce fut l invention sur le thème "raconter en tant que spectateur vos réactions, vos émotions, vos réflexions suite à un film".

J eus du mal à choisir mais voulant du même coup me faire plaisir je traitai le premier plan d anthologie de "Diamants sur canapé" avec Hepburn descendant d un taxi jaune, quelque part sur la 5ème avenue, alors que très tôt le matin les premiers rayons de soleil enveloppaient d or les gratte-ciel dans un Manhattan quasi désert avec une musique mélancolique et douce en bande-son. La jeune femme au chic très parisien, dans sa robe-fourreau noire de se diriger comme une panthère paisible vers la vitrine du joaillier le plus chic de New York: Tiffany...
Démarche souple, sûre, lente, telle une chorégraphie naturelle vers "la" vitrine unique entourée de marbre rose veiné. A mesure de l approche la femme-enfant d extraire du sac papier brun...un croissant (c était donc l heure du petit déjeuner et à la française, la classe).
Le regard se fixe doucement après le geste d ôter les élégantes lunettes noires sur le seul joyau exposé...Pas de précipitation ni de frustration anticipée non, mais le plaisir d une lente et précise contemplation qu on devine associée au rêve éveillé. Audrey entame doucement son croissant au rythme même de la dissection visuelle.

Le charme démultiplié de cette ouverture, en fait pour moi aussi un "morceau de choix"...Mise en abyme l'image dans l'image dans l'image. Plaisir enfantin de l oralité. Je déguste avec "elle", comme elle, et le croissant parisien croustillant et le bijou inaccessible mais capturé par l imagination et je la déguste, elle, Audrey.

Le Charme décliné sous tant de formes...

Point n est besoin d assister aux Grands ou au Petits Mystères d Eleusis.

J avais avec ce film culte droit à un petit réveil   une sortie à New York, avec elle, le chic, le raffinement, la pureté, le goût, un air de Paris dans la mégapole étonnamment paisible comme offerte...

Mon élève devait traiter un visionnage de tel épisode raté de Star Treck. Pas mal, jeune homme, pas mal...

J étais bien dans cette famille, le papa souriant entrant vers la fin du cours, nous nous mîmes tous deux à fredonner "le travail c est la santé" de Salvador...le fils devenant spectateur à son tour; on n en sort pas...
Mais surprise encore: dans l ascenseur je retrouvai la présidente de l association de bénévolat où j officie avec les déboires que l on sait (la femme tyran domestique; je compte arrêter). Surpris au carré, cette dame que je n avais pas reconnue, habite le même immeuble. Tiens, ces lunettes, cette soupe soignée...Hollywood...?

Mystères d Eleusis, seriez-vous encore efficaces,des siècles après, en dépit de la lourde érudition du conférencier?

Une journée pareille à une vie; une journée ordinaire et extraordinaire. 

Un peu comme ce petit matin avec Hepburn devant la vitrine de "Tiffany" à New York...

 

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Commentaires
M
Bonjour Jean-Louis,<br /> <br /> Mon Dieu, comme il sait y faire Monsieur le Mexicain. Attention, attention : drapeau rouge. Manipulateur de première, il excelle en la matière. Ne succombez pas. Il vous décevra encore.<br /> <br /> "Diamants sur canapé quel beau film !<br /> <br /> De la façon dont vous faites le portrait d'Audrey Hepburn dans une séquence d'un film mythique, on s'y croirait . C'était une femme que j'appréciais beaucoup, elle avait une classe incroyable, belle en plus, parfaite dans ses rôles. Muse du célèbre couturier "Hubert de Givenchy" ; qui pouvait résister à cette jolie femme ? Elle avait tout ce que j'aime : chic, élégance, raffinement.<br /> <br /> Journée triste aujourd'hui. A bientôt Jean-Louis.<br /> <br /> Edith
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