Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Choses vues entendues sues
24 octobre 2018

Egon Schiele, le corps, la mort

Nous avons à Paris une exposition sur le peintre-météore autrichien Egon Schiele; en cette occasion, une fois de plus, Arte nous a donné une très belle émission sur cet artiste "scandaleux" qui a fréquenté la même école des Beaux Arts qu...Hitler.

Mais je me demande si un rapport ne peut être établi entre le peintre et le sanglant dictateur, le pire de tous les temps. Outre le fait que tous deux sont nés sur cette terre d Autriche où bat le coeur de l Europe (actuellement un jeune homme de la droite extrême dirige ce joli pays alpin.)

Schiele a pour motif le corps humain; banal dira-t-on; oui sauf que au contraire de son ami, Klimt, ce corps n est pas représenté en majesté, dans la gloire de l or et du scintillement des couleurs dans une opulence "byzantine", comme figé dans son hiératisme; le seul point commun, outre le formidable métier de ces deux artistes, est l'accent mis sur l érotisme hyperbolique; au fond cela ne saurait étonner au pays de Freud qu on a tôt accusé de pornographe alors qu il a ressenti l importance de la répression des pulsions dans une société cadenassée; il a rendu un peu de liberté à ses patients et patientes surtout qui étouffaient pas seulement à cause de leur corset...

Chez Schiele le corps est montré dans sa nudité toute crue, avec une violence dans le traitement sans précédent comme si ce corps pour en exprimer l humanité il fallait le "déconstruire", l'abimer, le désarticuler, en fouiller les entrailles, le disséquer. Le parti systématique du non-beau...et peut-être pour autant d une nouvelle vision du beau.

On se perd en conjectures. Pourquoi tant de "morbidité", pourquoi tant de sauvagerie dans la monstration, pourquoi ces couples emmêlés sans limite nette?

Je fais l hypothèse que Schiele dans une tentative "desespérée" a voulu tel un psychanalyste du corps découvrir ce qui est caché, nous forcer à voir ce qu on ne veut pas voir. Ce n est pas le plaisir et la jouissance à la Renoir ici mais le dégoût, la répulsion, face à l informe, au lais au répugnant...

Je ne peux m empêcher de penser au tantrisme qui recommandait à ses adeptes de manger de la pourriture, de vivre au milieu des excréments, de vivre près des cadavres...Dans le catholicisme, un certain catholicisme de "saintes femmes" se nourrissaient d'ordures pour d autres motifs il est vrai s humilier et se détruire au nom du Christ souffrant., au nom de la chair qui bride l esprit.

Il y a là quelque chose d extraordinairement puissant et terrible qui fait penser aux divinités courroucées de nombreuses traditions, de l égyptienne à la tibétaine; comme si pour se régénérer il fallait affronter ce qu on évite; les enfants avalent leur morve et font dans leur culotte sans problème; très vite le "processus de civilisation"  va étouffer tout çà au nom de la bienséance, de l hygiène, de la correction.

Alors régression effrayante , insupportable ou ouverture inouïe du regard sur une part verrouillée de notre être. Nous sommes travaillés secrètement par le scatologique et d autant plus attirés par lui que nous le rejetons.

Mais plus encore dans une formidable anticipation, Schiele a eu comme une vision du Terrible; çà ne vous dit rien tous ces corps décharnés, méconnaissables, pourris, tous ces regards insoutenables qui n ont plus grand chose d humain?

Je reste toujours le même face, incapable de comprendre, à "l'impossible regard" comme dit si bien Midal.

Auschwitz bien sûr. Hitler, Schiele tous deux autrichiens, tous deux élèves de la même école prestigieuse de Vienne, tous deux aux prises avec le corps , le leur et celui des autres...

Ce corps est maltraité, seulement en peinture, chez Schiele et ce regard insistant et étarngement vivant de ses pauvres corps semblent anticiper ces montagnes de cadavres squelettiques que les soldats américains et soviétiques découvriront avec stupeur lors de la libération...

Mais un edifférence de taille; alors que chez Hitler les corps ne comptaient plus que comme matières à exploiter et statistiques à toujours étendre, chez Schiele le désir de nous ouvrir le regard sur le côté sombre de notre être pour nous libérer et nous aider à mieux entendre notre condition.

Le pientre Schiele est mort de grippe espagnole en 1919 à 28 ans.

La leçon de Schiele, elle, reste: nous sommes aussi et peut-être surtout à l ère des magazines mensongers et du matarquage médiatique, des corps vivants mais au risque de la mort...

je me demande encore si à l ère du numérique c est-à-dire de la dématérialisation et de la désincarnation (une enquête britannique a montré que les jeunes buvaient moins d alcool parce quils passaient plus de temps devant facebook; oubli du corps.

L exposition Schiele bat des records. Par un effet dialectique la "viande" que l artiste autrichien nous jette avec violence que les réseaux sociaux que nous sommes aussi des corps; nous sommes malades de leur déni!

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Choses vues entendues sues
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 20 255
Publicité