Autour du Graal

J'ai commencé la lecture de cet épais ouvrage de quelque 700 pages 'Le Graal" de Jean Poyard; j ai raconté hier les "péripéties" qui ont accompagné l acquisition de ce livre tant attendu (trop attendu?). Et je me demande si justement les épreuves de cette quête de la coupe qui aurait recueilli le sang du Christ ne commençaient pas pour moi. Il faut savoir que la littérature concernant la quête cet objet au puissant symbolisme est innombrable et la légende datant des débuts du Moyen Age remonte à Chrétien de Troyes et Wolfram Von Eschenbach. 
Je ne suis pas de culture chrétienne mais j avoue que le récit et son impact sur l imaginaire occidental dépasse à mon avis le contexte culturel du christianisme; il fait partie en quelque sorte du patrimoine culturel et spirituel de l Occident et sa richesse sémantique est...fabuleuse. L auteur a consacré des dizaines d'années de sa vie à penser et méditer la riche thématique qui a inspiré bien des auteurs d importance, de Steiner à Jung.
J'écris ces lignes au moment même où la radio m'apprend que la folie meutrière a encore sévi à Paris et un jeune homme innocent en est mort le soir, quartier de l'Opéra. Il y a peut-être un rapport entre l époque hautement instable et folle qui est la nôtre et le retour des mythes et de la recherche du sens. Un ouvrage de Jonathan Black va plus loin: pour lui les mythes, les dieux, les récits des religions sont réels! J avais déjà lu un premier livre de Black "L histoire secrète du monde" qu on m avait offert; la thèse défendue était: nous sommes nous humains d abord des végétaux avant que d être ce que nous sommes. Sic! C'était bien la première fois que je lisais cela! "L histoire sacrée du monde" défend donc la thèse de la réalité du "merveilleux". Ce qui n est pas sans évoquer les thèses d Henry Corbin, un très grand érudit sur la réalité de ce que nous imaginons: il a brillamment étudié la civilisation de l ancien Iran et conceptualisé la notion d imaginal qui a autant de réalité ontologique que le Réel.
Pour un esprit rationaliste c est pur délire mais gardons nous de trop vite juger; Black est diplômé de théologie et cosmologie; certes ce n est pas une preuve! 

Mais cela fait réfléchir, ce regain de la mytholgie, de l ésotérisme, de la recherche d autre chose; sociologiquement, cela en dit long sur ce profond "malaise dans la culture" (titre d un des derniers écrits de Freud). Ce malaise aussi pointé par le grand Max Weber qui a déjà dit le désenchantement du monde que la science triomphante a généré, nous sommes dedans et le dernier attentat de Paris illustre le désarroi contemporain.

Epoque vide de sens, pauvre dans son essence, sans boussole, qui abrutit les êtres, desséche les coeurs et condamne à un erecherche des biens matériels qui nous abuse et nous rend tristes ( mon jeune homme de ménage retour du Togo m a assuré que là-bas les gens étaient gais dans une misère extrême; à Paris des têtes d enterrement avec des niveaux d evie 1000 fois plus élevés...)

La science n est pas le tout du savoir et le monde se dérobe toujours plus à mesure que la science avance. La raison (ô Descartes!) n est pas le tout de l Homme. L argent ne sécurise pas et la mort est toujours présente, tarnshumanisme ou pas.

A minima, ce renouveau de la pensée que les anthropologues purs et durs qualifieraient de magique en dit long sur une époque qui ne sait plus où elle va et sur une humanité qui ne croit plus en rien.

Shakespeare dans "le songe d une nuit d été" et d autres pièces (de même que la civilisation anglo-saxonne) pourtant très technicienne a toujours laissé une place à l l Autre de la Raison, de Lewis Caroll au savant Crookes, de Myers à Rhine...

Au Japon Maître Okawa tient un discours "délirant" selon les critères de la raison mais qui donne à réfléchir; Julien Green, cet écrivain qui m a accompagné dans les moments difficiles de ma vie percevait l invisible.

Au fond que savons-nous du monde et de nous-mêmes?