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Choses vues entendues sues
11 mai 2018

Enseigner, être enseigné

Le sujet de ce jour est tout trouvé; les professeurs d université ont une en ce moment une rude tâche: sélectionner (appelons un chat un chat) leurs futurs étudiants.Leur tâche est écrasante, voire impossible. Imaginer un peu le type de proportion de ces futurs étudiants à prendre en compte par exemple: pour 400 places 5000 étudiants. Du coup des problèmes insolubles se posent: trier d accord (mais les unions étudiantes sont hostiles à ce principe) mais selon quels critères? Notes, évaluations, les deux? De plus, vu le nombre énorme, il y a nécessairement des dossiers de candidature très proches en valeur; alors qu est-ce qui va départager? La tête du candidat (suivez mon regard) son nom re-suivez mon regard) ou le nombre de frères et soeurs ou le domicile?

Bref une bouffonnerie de plus dans la France macronisée, vous savez, celle des premiers de cordée, des surdoués comme à la tête de l Etat. Grotesque et tragique; les nécessaires candidats éliminés n ont plus que les yeux pour pleurer ou la possibilité de choisir une autre matière qui ne leur plait pas, par définition. Il faut dire à la décharge de ce pays que les frais d inscription même s ils ont beaucoup augmenté comme le reste demeurent encore acceptables par rapport aux Etats-Unis par exemple...Mais comme toutes les infrastructures de ce pays, l état de nombre d établissements se dégrade et les moyens manquent (il est vrai qu on a toujours des fonds pour se battre ici et là, aux dépens des hôpitaux, de la justice, de l enseignement, des transports, des maisons pour personnes âgées)...

Enseigner donc; j ai été moi-même enseignant durant de longues années dans le secondaire et le supérieur court (BTS) et je continue avec une autre forme moins lourde d enseignement, le soutien scolaire alors que je suis à la retraite; j ai enseigné dans le public (plusieurs établissements de la région parisienne) et dans le privé de nombreux établissements aussi) plusieurs matières: économie, sciences sanitaires et sociales, psychologie et actuellement français et philo. J'ai enseigné aux adultes dans le cadre de la formation permanente; en gros j ai eu des élèves de 10 à 54 ans.

Ma famille sauf mon père qui a travaillé toute sa vie dans les banques comme cadre moyen a exercé dans l enseignement: ma mère comme administrative dans des lycées et mon frère comme professeur de philosophie puis d esthétique; enfin il a terminé comme directeur d études dans un établissement faisant partie d un groupe d écoles assez important; mais pour lui malgré ses indemnités de départ, çà s est mal terminé, son patron qu il admirait beaucoup, a vendu son affaire à un fond de pension taïwanais et il a été remercié brutalement alors qu il lui restait encore quelques années avant sa retraite. Moeurs de western; j en parle souvent ici.

Quid de l enseignement donc?

J aime ce métier (je peux parler en connaissance de cause ayant eu pas mal de jobs dans ma vie avant de me stabiliser dans l enseignement) car j aime le contact avec les élèves et les jeunes (moins avec les "chers collègues" pressés de repartir chez eux et souvent dans leur quant-à-soi; je garde cependant de bons souvenirs de très bons enseignants avec qui j aimais discuter).

Cependant ne rêvons pas: souvent je devais faire effort sur moi-même pour m extraire de mon lit et affronter de longues distances dans le froid de l hiver et atterrir dans une banlieue sinistre dès cette époque: dans la journée pas grand monde, des mines fatiguées, des rumeurs de deal dans la cité voisine; heureusement j avais le contact avec mes élèves étant réputé comme un prof "gentil" avec la contrepartie souvent, le bruit.

Quid de l enseignement aujourd'hui? c est pareil et différent; la situation est plus difficile: pour les profs, les élèves ont changé car l'image des enseignnats s est beaucoup ternie (un prof c est pas grand chose aujourd'hui). Ils ont un "public" difficile", agité, distrait (l usage du portable même discret fait des ravages); quant aux élèves je trouve que la pression qu ils subissent de la part des parents et de  l'institution est très forte, à l image  dune société où les places sont rares et chères. Noter enfin une école à deux vitesses; d un côté un enseignement pour les riches surtout très cher (autrement mêmes effectifs pléthoriques, profs pas nécessairement "meilleurs" et surtout discipline de fer; l enseignement catholique remporte la mise; je suis bien placé pour le savoir; c est la discipline qui doit faire la différence. J ai observé à mon niveau que ce qu on demande aux élèves est beaucoup plus ardu; comment expliquer autrement outre l obsession de la réussite le succès des organismes de soutien scolaire eux-mêmes aux prises avec une forte concurrence.

De l'autre côté des écoles pour pauvres, immigrés, noirs, maghrébins, banlieusards défavorisés où l école est ressentie comme une prison, où la drogue sévit et où la petite délinquance prospère. Les enseignants font ce qu ils peuvent, encore plus déconsidérés qu ailleurs. Pfff! ils gagnent si peu et ce critère suffit à les dévaloriser; encore une fois la société a changé, avec internet, portables et jeux vidéo, plus passionnants je présume qu un cours sur La Fontaine. Et les vedettes des jeunes sont plus les stars du ballon rond ou les musiciens à succès que les auteurs de best sellers littéraires.  

On l aura compris: l école va très mal: inégalitaire, inefficace, dévaluée, et foyer de très fortes tensions dans une société fragmentée où sévit le communautarisme et la tentation djihadiste, solution du désespoir d une jeunesse sans avenir. (petits boulots mal payés, précaires ou pas de boulot du tout dans un climat global détérioré. Enfin je ne peux occulter les tensions avec la police souvent anti-jeunes (j en témoigne), les conflits intercommunautaires qui poussent au départ (je pense à la ville de Sarcelles où de nombreux juifs ont du quitter l école publique par crainte des agressions ou même plus grave leur lieu de résidence); dans cette perspective dramatique il faut savoir que le nombre de départs vers Israël  s est fortement accru ces dix dernières années, l islamisme radical progressant clairement et faisant hélas son oeuvre de mort. Israël, un pays toujours sur le pied de guerre, toujours, les derniers événements en témoignent.

L enseignement est très malade ici du secondaire au supérieur et je le répète selon que vous soyez riche ou pauvre  l offre est fortement différente.

L argent, toujours l argent! j ai souvenir d une famille du 16me arrt avec un logement "secondaire" à Marnes la coquette svp (oui dans le domaine privatisé, un éden où Johnny avait une de ses propriétés/ J ai suivi deux enfants d abord à Passy (les beaux quartiers) puis à Marnes. Ecole pour riches donc: beaux voyages, costumes, profs exigeants plus mes cours de soutien. Parents: la mère, médecin toujours inquiète des résultats et moi-même "au rapport" après chaque cours! le père chirurgien spécialisé en cancérologie...

Imaginez un instant le devenir de ces deux "mondes", de ces deux jeunesses: celui des cités qui entourent Paris et les villes de région et celui des centres historques ou des banlieues résidentielles. Pour les uns: la petite vie sans perspective, précaire, instable, hasardeuse, l impasse existentielle avec les tenetations de la drogue et des petits trafics, de la prostitution et  la prison in fine souvent. 

Pour les autres, la voie de prestige: garndes écoles (Sciences Po, ENA, X etc) et les carrières et emplois durables et intéressants, l offre abondante et bien rémunérée.

J écoutais une conférence de Fabrice Midal toujours très au fait de l'état de notre société; il nous disait que lorsqu il pensait à l école il avait envie de pleurer; çà vaut de longs discours.

Nos jeunes rejettent la lecture, s ennuient à l école, subissent l hypnose de la civilisation de l image, se réfugient "au mieux " dans le sport ou la musique de leur temps à se casser (vraiment!) les oreilles (je témoigne là aussi), pianotent sans fin sur leur portable, leur joujou préféré en faisant fi de l orthographe (çà ne sert à rien non?) et au pire succombent aux discours de haine (la haine se porte bien merci ici et en Europe, et sur d autres continents...)

Je résume: le "bon côté" (?): je reconnais que le niveau général d éducation a nettement augmenté; tout le monde a un diplôme de nos jours et le mauvais côté; ici comme ailleurs, revers de la médaille, il ne peut y avoir du travail pour tous ces diplômés surtout au moment où l automatisation et la robotisaton avancent.

Triste alors que la population vieillit et que la proportion de jeunes diminue.

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