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Choses vues entendues sues
26 avril 2018

Le rêve américain...

A l'occasion de l'étonnant voyage de Macron (que je n aime toujours pas, mais c est un détail) aux States, je reviens sur ma propre position sur ce grand pays qui a nourri les rêves de mon enfance et de mon adolescence. L'Amérique (ainsi disait-on à l époque) était pour moi l'Eldorado, la beauté, le luxe, les matériaux nouveaux, l'équipement électro-ménager scintillant, les Cadillac, les étendues infinies, la nature grandiose du Colorado, New-York qui me fascine toujours, Hollywood enfin , la bien nommée...Pour moi, vivant alors à Tunis, entre l ennui et le confort lénifiant, la solitude résignée, la monotonie des jours, c était l Ailleurs et comme l Absolu du désir.

De plus nous avions dans la famille élargie des cousins qui possédaient un restaurant "un coin de Paris" sur La Bréa à Los Angeles où on servait un jour par semaine le couscous (!). On racontait que les stars y venaient de temps à autre. J ai le souvenir de deux visites: une "tante" richement vêtue et pomponnée nous montrant un sac à fermoir dans une matière inconnue de nous et des petits cousins et de leurs parents; le père était une bel homme, un peu à la manière de ces acteurs qui font s'émerveiller les foules. A table, on a débattu du problème noir, toujours prégnant de nos jours et de Malcolm X alors en pointe de la lutte contre la ségrégation.

Sans compter l American Joint Committee qui venait en aide aux familles nécessiteuses dans ce petit pays qui comptait de nombreux pauvres.

Ce goût de l Amérique dont le signifiant même était magique m'a construit on peut dire sans exagérer et donné de l élan, du dynamisme, de l espoir. Il y avait donc au monde une contrée heureuse, vivante, utopique, où la souffrance et la mort n existaient pas ...

Ne pas oublier que ma petite enfance fut marquée justement par la mort, l impossible suprême, et la souffrance dans ma chair avec la terreur de partir moi aussi; il en est resté aujourd'hui cette anxiété qui s est accrue avec l âge et contre laquelle je m efforce de combattre jour après jour dans ce pays devenu le mien mais aujourd'hui méconnaissable hélas.

Mais la réalité a rattrapé le rêve, trop beau pour être vrai.

L image du triomphe américain et de l éternel sourire (smile first) s est ternie peu à peu avec ma propre maturation et lors de mes études par un ouvrage "the other America" de Michaël Harrington. C était d une Amérique âpre, violente, misérable cette fois qu il s agissait. non de celle des magazines sur papier glacé et du glamour. Derrière les paillettes et les étoiles, la détresse et la rage au coeur, la colère rentrée. Scott Fitzgerald versus Steinbeck.

Peu à peu le Réel est venu déchirer le beau rêve. Témoignage sans concession de l ami de mon frère qui ne s est jamais vraiment adapté à New York (il n a jamais pu s intégrer) où il a fui sa famille pathogène avec sa compagne d origine russe rencontrée lors de vacances d hiver en France; cet homme que j ai connu est décédé d une forme rare de cancer il y a maintenant deux ans. On meurt aussi en Amérique...

A fortiori mes lectures, les films, les documentaires, les témoignages me faisaient connaître cette Amérique dure et drue, masquée par les oripeaux de l usine à rêves. Ku Kux Klan, racisme banal, antisémitisme, saccage de la nature, mépris des autochtones, drogue, crime, voilà cette face sombre dévoilée. En dehors de New York et du Cap Cod, du Maine et des propriétés sans fin du Nord Est huppé, il y a les Appalaches, la Pennsylvanie, Pittsburgh, Detroit. Bernard-Henri Levy a réalisé un superbe film sur cette Amérique que l on occulte, en images volontairement "sales".

L actuel déclin des Etats-Unis, triste à vrai dire (après tout, ce déclin, c est aussi le nôtre, celui de l Occident tout entier et la fin d un rêve c' est implacable). Le dirigeant actuel de l Iran, fort du soutien de la Russie, a moqué Trump à propos de la recherche inquiétante que mène ce pays dangereux dans le domaine du nucléaire. Signe de ces temps nouveaux où le monde devient multipolaire et où les usa, Trump ou pas ne donne plus le la à la planète.

Les Etats-Unis, c est clair, ne sont plus ce qu ils étaient. La lamentable affaire Weinstein, l inusable problème noir, la catastrophe écologique, Trump lui-même, le big business incarné, nous descillent les yeux, nous les européens aux prises avec de semblables problèmes d une extrême gravité; en ce sens Macron a raison de chercher la bénédiction du puissant allié quand même. Sans doute pour se refaire une santé loin de son pays qui va si mal...

Une fois de plus je me sens nostalgique ce matin. Il est dur de renoncer à l émerveillement des origines, il est douloureux de recevoir en pleine figure la vérité qui fait mal. Le réveil qui n en finit pas est à l'aune du beau rêve. 

Ce rêve (je repense à "l'Amérique insolite" de François Reichenbach qui m'avait enthousiasmé et arraché à la morosité du quotidien), ce besoin d'ailleurs, ce sacrifice de ma part de rêve en disent aussi long sur moi que sur cette Amérique fascinante qui a existé aussi et dont les prestiges ne sont pas sans fondement: en témoigne cette déjà riche Histoire où la France a effectivement compté. Après tout, la Déclaration d'indépendance et le Déclaration des Droits de l Homme ont plus d une analogie et appartiennent au même siècle des Lumières.

Franklin, Washington, Jefferson, John Paine, la cohorte impressionnante de ses écrivains et artistes, c est cela aussi l Amérique. La France est bien un allié de longue date avec l'épopée du jeune La Fayette volant au secours des Insurgents.

Ces trois lignes là montrent que décidément il me restera au moins des traces de ce qui fut le grand pays de mes jeunes années (le "US go home" qu on voyait en garffiti sur les murs de France dans les années 60 je ne comprenais pas alors que tant de soldats sont venus mourir en Normandie pour nous sauver avec les autres alliés), traces au sens presque chimique du terme. Traces surtout au sens de "traces mnésiques". Il est impossible sauf à se renier à détruire ce qui maintenant est constitutif à jamais de mon être propre.

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Commentaires
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Bonjour. Malgré le déclin de ce pays, si déclin il y a, j y ai fait 2 séjours, et j ai trouvé une joie, une chaleur humaine , une naïveté..... bref je me sentais mieux qu en France où beaucoup de personnes font la tête. Il y a d 1 côté l économie, et de l autre une attitude face à la vie. Il me semble que les Américains sont plus aptes au bonheur que les français..... peut être par manque d intellectualisme et plus de pragmatisme. La vision que l on a en France des Usa, est très négative .... ça ressemble à une mode journaleuse de décrier ce peuple .....
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