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Choses vues entendues sues
20 novembre 2016

Comment résister à la peine de vivre?

J avais commencé hier d essayer avec mes moyens à donner quelques réponses à cette difficile question; je pensais que l'Art dans toutes ses formes en théorie pouvait nous aider dans la traversée de la dure existence; certes mais encore faut-il être en état de goûter cet Art...J ai vécu une crise d une extrême violence dans ma première jeunesse (état dépressif et/ou anxiété aiguë). En ces moments-là, rien ne fait rien,  à l'exception du recours à la médecine (médication ou psychothérapie sous une forme ou une autre); cependant s'armer de patience et de courage et l'entourage peut jouer un rôle et je pèse mes mots. Soyons honnêtes, dans mon cas ce rôle fut, au total, marginal. Actuellement il n'y a plus personne.

Dans cette mesure-là, état de santé minimal, il est possible de recouvrer sa santé, encore que partiellement, car plus j' avance sur ce chemin tortueux et souvent torturant de la vie, plus je doute sur le rétablissement de l'état antérieur de "santé"; subsistent dans le corps et dans l'âme des traces qui font un peu mal, mais ne soyons pas trop exigeants. Relativisons...

En cette phase de cette vie (si c'est un cadeau, la vie, comme disent certains, il est biene toxique) qui accentue les défaillances et les abandons et les rejets (je me répète: on n' aime pas les "vieux" parce qu ils évoquent la mort pour faire vite).

On n aime pas les vieux parce que notre société vit dans le déni intégral du "négatif" et dans le mensonge universel. Le monde de la politique battant les records du n importe quoi. Une fois encore en accord avec Midal qui a magistralement commenté la publicité Dior qui exhibe une beauté factice, notre société oublie l essentiel.

Mon ami québecois, sage parmi les sages (oui, il en existe encore en ce monde triste et violent) a compris avec son coeur, j allais dire ses tripes, la réalité de ce  monde en assumant le détachement et je salue ce que je considère comme un exploit; je suis encore enlisé et les montagnes russes de l humeur, je ne puis les dépasser...

Notre société piétine les valeurs les plus hautes et cultive a contrario le mensonge et détruit l humain dans l homme. De ce fait, les "résistants" dont cet ami québecois, le jeuen mexicain qui trouve les Parisiens si froids (à qui tu le dis! Allam me confiaite que même les criminels les plus violents dans son pays gardent une profonde humanité pour leurs proches) ont tout mon respect. Résister à un monde qui fait retentir sans cesse les sirènes de la séduction et nous ment et pervertit tout ce qui compte. Un seul exemple: hier je me rendais chez mon élève hélas trop timide du 15ème arrt. Il est gentil mais bien passif (famille aisée; deux étages supérieurs en duplex, immeuble moderne, balcon-terrasse, etc). Or hier la maman était présente et a reconnu que le monde actuel est impitoyable (entre nous que dirait alors la mère d un élève de Gennevilliers ou de la Grande-Borne ?); et de me demander de réserver une place pour l' an prochain  à l intention du jeune Paul. Il a fait des progrès avec moi; d une petite moyenne, il est passé à 14, avec la 8ème place. Bien entendu, j étais d accord avec elle sur ce diagnostic, vous pensez bien! pour être honnête, je pense que bien des facteurs ont pu jouer dans ce progrès mais la question n est pas là; je n'ai pu que dire à cette maman inquiète et à juste titre que cette société a un rapport au temps complètement bouleversé. Deux exemples:  vous envoyez un sms; au temps jadis (j' ai l impression d avoir vécu au temps de la guerre de Troie) on vous répondait illico; maintenant et si vous recevez une réponse c est deux jours plus tard et, second exemple, soit un voyage organisé, il faut réserver un an et plus à l avance; et je ne sais pas de quoi demain sera fait. Mais passons...

Et revenons à ce thème: comment vivre? Pour moi, comme je le dis souvent, je me sens mieux, à dialoguer avec ces jeunes; j apprends, je sors, je résous des problèmes, je visite des lieux différents, je bouge et çà bouge dans ma tête, bref...Cela fait treize ans que je pratique cette activité et c'est aussi la possibilité d être confronté à des êtres différents et à des "problématiques différentes". Chacun est différent. Cela a un tel impact sur moi qu il m' arrive souvent de repenser à tel élève ou telle. Mes préférés (je sais bien; éthiquement parlant, ce n est pas bon mais je pense établir un traitement égal) sont les gens au profil atypique, d une manière ou d une autre. Un fils de militaires à l écriture indéchiffrable et au discours crypté dont il me fallait faire l exégèse; je ne sais pourquoi mais cet élève est resté en mémoire. Peut-être sa plainte moderato sur ses changements de résidence obligés et ce je -ne- sais- quoi d' atypique donc ont réveillé des échos en moi (je me disais et si c était un génie potentiellement; je peux bien rêver et les génies me font toujours rêver).

Ah! Musil et son "Désarrois de l'élève Toerless" montrant l inquiétude d un adolescent aux prises avec le Mal, les nombres irrationnels, la vie qui se découvre peu à peu, cette fermentation qui saisit souvent cet âge passionnant de la vie; une passion froide avec des accès de violence terrible, une pseudo-indifférence qui cache le vulnérabilité. Musil qui a du se projeter dans cet adolescent tourmenté...

Un autre ado, fils d officier, décidément y aurait-il une "marque de fabrique"? Brillant, scientifique, acceptant de bon coeur de me rencontrer le samedi, je n oublie pas sa prestation digne d un professeur, une analyse fouillée d un poème de Baudelaire; il en dégageait tant de signifiaction et de manière méthodique, que pour le coup, c' en était trop: attention à la surinterprétation! J ai beaucoup apprécié ses confidences: grand-parents ayant une villa avec piscine dans cette belle ville de Toulon? Le rêve encore (Toulon et sa rade, ses palmiers, une Bizerte de France) et la confiance qui m est faite en se livrant ainsi. Un adolescent qui se livre, çà me touche...Un troisième enfin, étudiant dans une école pour surdoués (bien des célébrités sont passées par là) avec son humour noir, sa verve et ses 30 paires de baskets...son antisémitesme ausssi hélas; l antisémitisme banal; il n y a pas d antisémitisme banal (il a soutenu qu'un certain Dr Ohana faisait ombrage à son père chirurgien esthétique; j ai réagi immédiatement en lui faisant lire Primo Levi; le lendemain la "leçon" avait porté; il ma confié vouloir se convertir au judaisme ou au bouddhisme (je ne pense pas au fond. Son logement? 500 m2 près des ministères...J ai appréié son repaire avec un mur constelléde photos: Gainsbourg, et des photos assez macabres dans les tyle gothique.
Que deviendrez-vous, jeunes gens? Parmi les filles une élève brillante, mais très mature, à la mémoire phénoménale; une jeune fille en philo qui m a donné du fil à retordre, mais j' aime ces petits défis, et cette jeune corse d une étrange beauté. Et cette fille de grande journaliste, déjà très engagée dans le féminisme. Une rage de vaincre impressionnante; quand je passe à proximité de son domicile, près du Champ de Mars, j ai une nostalgie un peu douloureuse, un peu apaisante. Ces heures de crépuscule, ce café branché juste avant le cours, ces oiseaux dans une volière dans le grand appartement en hauteur. La jeune fille elle-même d une rare lucidité sur ces temps de ténèbres. Je l imagine plus tard:il y a des chances qu elle devienne quelqu'un(e)...

Je n oublie pas ma question liminaire. Qu'est-ce qui me fait vivre, accepter la douleur d' exister. L humanité de ces jeunes, le partage d un moment important de leur propre trajectoire, leur regard sans concession sur un monde dont ils savent si tôt qu il sera sans pitié. J aime cet âge embarrassé, maladroit, qu on dit égoïste (par rapport à qui, à quoi? mais cet égoïsme je le perçois plus comme une protection contre un monde encore inconnu, perçu comme vaguement ou réellement dangereux (attentats de Paris, délinquance, indiscrétions désastreuses touchant la vie privée sur les sites "dédiés" aux jeunes etc). Mais ces jeunes, dans un monde qui viellit et doute de lu, me touchent; je me retrouve en eux, tel que je n étais pas et que j aurais voulu être (je fais la part de la mythification). Si je n étais pas ( j' ai failli écrire si je ne suis pas: intéressant, cet acte manqué et rattrapé à temps; serais-je quelque part  - aussi - un adolescent. Comme disait je ne sais plus qui: on a toute la vie pour être jeune...

Ces jeunes me réparent sans le savoir, dans l après-coup; ils me font remonter la flêche du Temps et, tels de petits thérapeutes me consolent de mon ratage existentiel. A leur âge je m étais figé ou gelé ou momifié par besoin de protection contre la mort qui a failli m embarquer de très peu (déjà la mort) tels ces insectes avec leur carapace de kitine, tels ces animaux qui font le mort pour ne pas mourir...

 

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