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Choses vues entendues sues
25 octobre 2016

Accoucher de soi-même

La maïeutique est la technique utilisée par Platon dans ses dialogues pour accoucher les esprits comme la mère de Socrate, sage-femme (noble métier s il existe encore je veux dire avnt la médicalisation actuelle forcenée) accouchait les corps.

De nouveau,j avais envie de parler d une ville que j aime, mais ce thème s'est imposé à moi, ce matin, un peu en meilleure forme qu hier, certes (j avais reçu mon nouvel "homme de ménage", étudiant en écologie , mexicain et en France depuis un mois et il semble que cela se soit bien passé. Travail un peu lent mais c est normal la première fois, mais sérieux; surtout aisance du contact.."

"Pourvu qué ça doure" comme disait la mère de Napoléon..

C'est dire l importance pour moi d un contact humain authentique, juste (comme on dit d une note de musique émise par un chanteur), vivant. Je ne peux m' empêcher de comparer avec l ancien homme de ménage-voleur, moldave, toujours triste et taciturne...

Je suis donc plus en forme, mais pas assez (ou dans un autre état d esprit, d autres urgences) pour évoquer une ville, ce qui réclame plus de disponibilité aussi..

Et ce thème de l accouchement de soi-même s est imposé, histoire de faire le point sur moi; après tout c' est ainsi que je conçois ce blog, aussi pour prendre la température de mon être...et ce qui la détermine...

J ai parlé antérieurement du petit miracle induit par la personne et l oeuvre du photographe Doisneau. Pourquoi miracle? Parce que j ai été moi-même saisi par cet improbable: comment le simple fait de regarder des images surtout pour un "auditif" comme moi et un cérébral comme moi peut-il provoquer une telle prise de conscience. Comme si une pièce dans la demeure aux mille et une pièces de la psyché était brusquement (ou plutôt subtilement et subitement) noyée de lumière. Ah! c était donc ça...Je me suis découvert comme étant autrement; je me croyais vrai; je le suis mais pas autant que je le pensais. Le photographe qui prend ses photos comme il respire, qui a un rapport amoureux avec elles et ses sujets, fait ressortir pour le tiers, le spectateur (spectateur au second degré) quelque chose de la vérité des êtres. Dans "le Banquet" de Platon, l amour va plus loin que la rencontre élective de deux être. L amour dévoile, nous fait sortir de l oubli de l être, éclaire sur les origines d un sentiment puissant, complexe, ambigu, l Amour qui meut l Univers selon Dante.

Doisneau aime et cela se sent et se voit. pour lui regarder c est accomplir un acte d amour mais au sens le plus élevé de l amour; Eros n est pas chez lui la mise en oeuvre d une pulsion biologique mais le moyen d entrer en contact avec la personne qu il croise au hasard de ses pérégrinations; cet amour est universel et transcende les catégories du Beau et du Laid; il y a l humanité telle qu en elle-même ou plutôt telle qu elle (s') apparaît à un regard de créateur. Une intuition fulgurante comme l éclair fixe sur le papier un regard, un geste, une attitude, un vêtement, un rire, et la vérité éclate et s'impose, et un être dit sa présence. On est loin du portrait anthropométrique, presque honteux de lui-même, du regard glacé de la science, réducteur, réifiant, uniformisant...ou de la police (la parenté est signifiante). Ici chez Doisneau, un sujet est montré non en spectacle dont nous serions les jouisseurs coupables, non comme un voyeur exhibe sa production à mettre sur le marché, mais comme un amoureux de l humanité s émeut à son propre spectacle, au double sens subjectif et objectif; s émeut et se dit lui-même à tarvers ce qu il dit des autres. Et ce qu il dit (de) lui-même vient de son propre rapport à la vérité de son être..

Quelle vérité? Non celle de la science, réductible à la mesure, au calcul, voire aux mots de tous et dechacun, non... Celle du rapport entre deux humains qui se reconnaissant comme tels, se respectent, s enveloppent de cette tendresse, une tendresse qui reconnaît une commune fragilité (je pense à Lévinas et à ses difficiles pages sur le visage de l' autre, l autre, dont j ai la responsabilité).

Hier, Jacques Attali rappelait dans un improbable face-à-face avec Mathieu Ricard (mais pourquoi pas cette rencontre, car l Humanité traverse une des périodes les plus décisives de sa longue Histoire et il y a pour la première fois chance qu elle disparaisse...) l' antique précepte: "tu aimeras ton prochain comme toi-même"; pour Attali, surdoué polyvalent, cela signifiait que, comme condition préalable de l amour de l' autre,encore fallait-il s aimer soi-même...

Ici commence la difficulté; on dit que Trungpa en arrivant en Occident a été frappé par la haine de soi des Occidentaux; qui s aime vraiment?

Je sais que je me suis éloigné du sujet  originel, mais est-ce sûr?

Doisneau m' a jaugé sans le vouloir, a ouvert une porte de la demeure si vaste, jeté sa sonde d homme de bonté sur un spectateur non prévenu; lui aussi, à sa manière singulière (de simples morceaux de bristol sur lesqules a joué la lumière et l'ombre) a participé à un accouchement très particulier, celui d un homme qui croyait se connaître. Il lui a révélé (ce mot reste le plus adéquat) ce qu il ignorait de lui. 

Je rappelle pour finir (provisoirement sur l effet Doisneau) qu' Eros , réinterprété par Freud, est cette faculté d'unir, de rassembler, de regrouper en ensembles de plus en plus vastes les humains.

Je me suis reconnu, retrouvé (réminiscence platonicienne?), rencontré au plus profond, chez ces humains vus par Doisneau; leur vérité, celle de Doisneau, c est aussi la mienne et je ne le savais pas...

 

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