Un écrivain et l'âge
Au petit matin écouté une interview de Michel Tournier âgé à présent de 90 ans: visiblement l'auteur de l'inoubliable "le roi des aulnes", le germaniste et philosophe, le photographe et ermite de la vallée de Chevreuse vieillit mal: ton ronchon, agressivité mal contenue à l'endroit du jeune journaliste venu l'interviewer et surtout rien de neuf dans le contenu du discours à la tonalité uniformément grincheuse; reprise des mêmes antiennes sur le nazisme (j'ai l'impression, erronée peut-être que quelque part il y a chez cet auteur une secrète facination pour cette époque de ténèbres), la perte des amis, etc
Et par dessus tout un auto-dénigrement de temps à autre amorti par des pointes d'une vivacité retrouvée...triste spectacle en vérité; si la vieillesse c'est cela...
Qu'est-ce qui fait que certains (je pense à D'Ormesson entre autres) âgés donnent dans l'optimisme ou du moins l'espoir et d'autres sombrent (se laissent sombrer?) dans la plainte certes fondée en partie?
Difficile à dire car Tournier semblait heureux de vivre et de créer jusqu'à ces derniers temps: blessure secrète récente, retour du refoulé ancien (de quelque chose de mal digéré réactivé par le sentiment du déclin)...
Tout se passe comme si l'âge arasait, mettait à nu les traumas de l'enfance plus ou moins bien camouflés et compensés par les bons évènements de la vie.
Le drame de la vieillesse: une lumière crue jetée sur sa vérité toute nue et la disparition obligée des illusions