Qui sont les gilets jaunes?

J ai parcouru l'article de B H L (Berbard Henry Lévy) sur les gilets jaunes; brillant, lyrique, il compare ce mouvement spontané, apolitique, rurbain pour l essentiel aux ligueurs des années 30. La Ligue c était les "patriotes" qui ont fait le lit du pétainisme de sinistre mémoire.
Je n'ai pas la faconde ni l immense culture de ce philosophe médiatique dont on a moqué la "posture" romantique; l essentiel n est pas là; BHL, d'origine algérienne et marocaine a du quitter comme beaucoup de juifs son "Afrique du Nord natale suite aux indépendances. Brillant parcours universitaire: Agrégation; Ecole Normale Supérieure, suivi des cours de Derrida et Althusser. Belle carrière dans le journalisme (il fonde la revue de très bon niveau "la règle du jeu") et goût prononcé pour l'aventure à la Saere qu il admire (Guerres de Yougoslavie, Libye, Tunisie etc), la vie mondaine et très médiatisée, la proximité avec les puissants; il est vrai que posséder de surcroît la belle fortune de papa, çà aide...

J ai beaucoup réfléchi à la position de BHL...Je partage partiellement son analyse; malgré ses accents "prophétiques", rien n est sûr avec l Histoire; elle ne se répète pas, elle se singe à la limite...

Comparer la situation de 2018 avec les sombres années 30 me semble hasardeux car le monde a terriblement changé. Les gilets jaunes pour lui seraient des gens plus ou moins téléguidés par Le Pen et motivés par la haine de l Etat et de ses institutions; en gros, anarchistes et/ou extremistes que l Histoire de la France a connus.

Je pense comme lui en ce qui est du positionnement anti-système ( on retrouve cela aux usa de Trump), de sympathies pour les partis dits populistes souvent , pour le sentiment de délaissement, de déclassement (je le sens moi-même, bien que parisien et bien qu habitant dans un arrt plutôt privilégié, le 15me; mon niveau de vie baisse en tendance lourde ce qu j évoque souvent ici). 

Pour ce qui est du positionnement politique il ne m a pas échappé que nombre de manifestants brandissaient un drapeau tricolore (pourquoi? S'agit-il d une critique de la mondialisation capitaliste? Probable, de même de l UE, censée à l origine de tous les malheurs; ou d une manière de se reconstruire une identité visible et forte). J ai observé  aussi un drapeau avec dans la bande centrale blanche le symbole du catholicisme le plus traditionnel: coeur surmonté d une croix et d autres drapeaux des "petites patries": Bretagne, Occitanie, etc avec sous-entendu la détestation des "élites" de la capitale (un peu simplet).

Mais je n oublie pas que BHL fait partie et a fait partie de l entourage des présidents successifs, Macron compris; ainsi il dit très peu de choses de la desespérance vraie de ces habitants de la France désertifiée, désindustrialisée, sous-équipée; en mal de reconnaissance.

Visiblement, il ne comprend pas trop ce monde, il n est pas des leurs; avec ses cinq (belles) femmes successives, la fréquentation de la jet set, ses relations haut placées, limite ce mouvement le gênerait plutôt. Je ne voudrais pas méconnaître son humanité pour autant, lui qui vole au secours des peuples en difficulté (mais n y entre-t-il pas une part de vedettariat?). Il passe très vite sur la misère des gens de toute cette province  qui se meurt (mais il y a une dimension mondiale dans cette métropolisation; à mon avis c est suite à une double contrainte: capitaliste et technologique; efficacité d abord!). En toute "amitié" B H devrait un peu se frotter à ces milieux, lire Annie Ernaut par exemple.
La France de 2018: des gens juxtaposés qui s ignorent, des tours d ivoire qui n ont plus grand chose en commun: les uns les riches ont le regard tourné vers le large, le vaste monde; les autres, les pauvres repliés sur eux-mêmes ne comprennent plus rien à ce monde et le subissent...La patrie est devenue symbole du ressentiment et de la xénophobie, le drapeau national, marqueur d une gloire passée ou perçue comme telle avec la nostalgie d un temps de gloire révolu.

En revanche je serais d accord avec lui sur une dimension sinistre des gilets jaunes, pas de tous, savoir le populisme et les schémas de pensée en guise d analyse fine; la demande d un homme fort, la haine des intellectuels, des noirs, des juifs (ils sont "de toutes les fêtes"), des élites parisiennes, des homos.
Chers visteurs jetez un oeil du côté de l Europe centrale et des pays de l Est. Pas besoin de dessin.

Je me permets enfin de donner mon impression à écouter et à observer les gilets jaunes; d évidence ce sont des gens qui souffrent beaucoup et n ont pas  fréquenté les grandes écoles!

Mais justement et j espère que Lévy sera d accord avec moi, il n empêche, Macron clive une société déjà très fragile (on ne compte plus le nombre de suicides de policiers, oui de forces de l ordre, grave non?) et sans doute d autres fonctionnaires je suppose) et persiste dans son inégalitarisme, avec un prix énorme à payer; comme les résultats tangibles ne viennent toujours pas et que visiblement le Président gâte une minorité déjà privilégiée par les origines; les héritiers de Bourdieu (ses clones) par le sort et méprise (je pèse mes mots: "comment peut-on être pauvre?") je me fais du souci pour ce pays.

Un changement drastique de la politique (mais jusqu'ici on a vu un Président convaincu qu il a toujours raison), me semble improbable; on aurait soit une société chaotique chroniquement avec fuite des investissements chéris par le businessman qui nous gouverne, soit une révolution hélas droitière (à mon avis toute révolution droitière ou pas, fait beaucoup de dégâts et tous en subiront les conséquences dramatiques, les pauvres plus que les riches, qui ont déjà sauvé les meubles à l étranger, qui ont les moyens et les ressources humaines nécessaires pour ce faire).

Dernier scénario encore plus alarmant; coup d état et régime de type fasciste. Plût au Ciel qu il n en soit pas ainsi...