Le retentissement

Nous sommes d'évidence semblables en tant qu'êtres humains quant à notre condition fondamentale mais différents quant à notre capacité à relever les défis permanents que la vie nous somme de relever, avec l'aide des autres et, de plus, en plus, je le crains, dans la solitude.

Ainsi du retentissement, terme un peu vieilli (il relève de la caractérologie; entre parenthèses j'observe la puissance de la mode en tous domaines). Le retentissement est l'effet sur notre psychisme de tel fait vécu. En effet, face à un même fait, certains semblent indifférents et oublient vite, d'autres sont affectés mais cela dure peu, enfin d'autres, dont hélas je suis, sont affectés fort et longtemps. Il est vrai que pour être complets, il convient de préciser le sens que revêt un fait donné pour un individu donné.

Je prendrai un seul exemple: l' accident de voiture dont j'ai été victime cet été; le conducteur un peu sonné comme moi au début s' en est bien vite remis. Peu de jours après, il se disait bien malgré un fracture à la clavicule; quant à moi, j ai encore des séquelles de la petite fêlure au pied droit mais cela me marque psychologiquement. Il faut aussi faire la part de la forfanterie chez notre conducteur (adepte du stoïcisme?). J' ai du me faire violence pour amoindrir le choc de cette collision à 80 km/h...Pour moi j'avoue que c est dur d'accepter cet accident dont je ne suis pas responsable, d'autant plus que nous nous rendions à une fête par un beau jour de juin dans l'Orne, belle région verdoyante et doucement vallonnée.

Autre exemple; ce matin on donnait à la radio au piano un extrait des "Contes de ma mère l'Oye" de Ravel dont j' ai joué en amateur une transcription. Je me suis alors retrouvé, (véritable madeleine de Proust) dans ce climat raffiné, tendre, vaguement mélancolique, de ce subtil musicien (son fameux "Boléro" est paraît-il constamment joué de par le monde); du même coup des images du passé me submergeaient, mon appartement précédent, mon piano depuis vendu, le professeur auquel je m'étais attaché. Une vague de tristesse et de douceur...Des années après, présentifiées par la grâce d'une interprétation...Curieux comme le langage nous fait défaut; je ne connais pas de mot en français pour désigner ce mixte de douceur enveloppante, de tristesse vague, de sentiment aigu de la fuite du temps (fuite du temps au double sens du passage et de la fuite, au sens de fuite d'eau...). Ma propension à la rêverie que la musique en particulier vient satisfaire...
Chez moi, on l'aura compris, le retentissement, un peu comme les ondes d un séisme alentour, mais cette fois au plan temporel, est intense, à l'excès.

Ce retentissement est à la limite du supportable, je repensais à certaines choses de mon passé en me levant et c était si dur pour moi que je faisais effort pour barrer le retour de ces réminiscences...A croire que chez moi une sorte de masochisme opérait, avec sa part de mal que l on s'inflige et une force qui peut-être a du bon, comme dans ses rêves qui se répètent comme pour les maîtriser...

Je pense que ce retentissement va avec la forte impression sur le moment d' où l inscription dans ce contenant mystérieux, la mémoire et la durée de l'impression, soit  voulue soit involontaire.

Je ne suis pas Proust et n ai pas son génie pour esthétiser le souvenir, aussi douloureux fût-il...

Je me contente d'essayer de mettre en mots avec mes petits moyens et donc d'essayer de décrire (une description poussée est déjà une début d' explication) ces événements intérieurs qui signent notre humanité par leur richesse, leur densité, leur pouvoir de mettre en branle les ressources de notre être...