Le temps qui reste
J'écoutais ce matin la fin d'une émission qui a duré toute la nuit sur "les Doors" et Jim Morrisson, fauché en pleine jeunesse et en pleine gloire, un dieu-démon en quête d'Absolu, à la beauté d'archange.
L'émission était consacrée au comédien Jean-Pierre Kalfon qui a longuement évoqué ses souvenirs et conclu lui aussi par un bilan empreint de nostalgie sur l'air connu: il faut bien vivre...
Et les souvenirs d'affluer en moi; à l'époque de Morrisson, "poète maudit" à la sauce Rock'n Roll, Blues et Ruthm and blues, dont la tombe est devenue un lieu de pèlerinage au Père-Lachaise, avec des fleurs qui débordent et des bouteilles d'alcool et des bougies;j'étais prof, alors, d'économie dans un établissement huppé des beaux quartiers, avec des élèves "cool"; l'un d'eux, je m'en souviens, moquait ma mauvaise prononciation de Mick Jaeger; je ne savais pas trop. Mais c'était gentil de sa part.
Comment ne pas comparer, dans ces conditions, la triste, glauque, malade, violente, incertaine, époque que nous vivons.
Un seul exemple: on compte 500 à 600.000 actes gratuits violents en France par an; est-ce un signe de la santé d'une société?
Tout part en quenouille...
Deux exemples donnent le ton de cette époque (qu'on ne s'inquiète pas; je sais faire la part de ma jeunesse enfuie): un étudiant s'est immolé par le feu à Lyon. Et, vite, vite, on dépêche un ministre; c'est la méthode en vogue; dérisoire et cynique. Un événement grave a lieu; (merci, on n'en manque pas ici), on expédie un ministre sur les lieux,de préférence en avion ou hélico; çà fait moderne et çà ne sert à rien: l écologie peut bien attendre, elle.
En d'autres termes: jour après jour, on observe les dégâts des "réformes" mais on continue: rien n'arrête la machine aveugle et sourde. C est comme si vous multipliez les départs de feu puis, alors que l'incendie se propage, vous venez observer et vous lamenter...
Ce jeune dans cette belle cité de Lyon (qui a aussi changé, en pire, bien entendu: les lyonnais fuient en masse le centre-ville en week-end laissant le champ libre à la voyoucratie des banlieues) qui s'est immolé n'est que la pointe émergée de l'iceberg de la desespérance des jeunes;, tant que mon smartphoen fonctionne...la souffrance sociale n'intéresse personne: sauve qui peut général; les nababs d ici et d ailleurs peuvent (encore) dormir tranquilles, cadenassés dans leur fortin doré.
Remarquons que chez nos voisins allemands, ce n'est guère mieux; on devait "fêter" la chute du mur de la honte. Mais discours et embrassades officiels sont pour la galerie; c'est l'amertume et le désenchantement qui dominent. Regrets, sentiment de gâchis, montée spectaculaire des partis extrémistes.
A titre personnel, je suis envahi par un complexe de sentiments: tristesse, nostalgie puissante, déprime modérée, introversion, sentiment d'impuissance, incompréhension du spectacle d'un monde devenu hystérique ou/et pathétique...
Non, ce n'est pas la partition attendue du vieillard grincheux que je rejoue; çà va bien au delà; je me connaîs assez pour l'affirmer tranquillement.
Ce monde est sinistre.
Son cadavre bouge encore.
Combien de temps?