On a changé de monde

Assisté depuis chez moi aux obsèques de Jacques Chirac: l'hommage militaire aux Invalides fut sobre, digne et simple, à la mesure de ce grand serviteur de l'Etat. 
Cercueil posé à même le sol entouré de tous les corps d'armée dans cette immense cour d'honneur.

Le Président Macron, seul, devant le cercueil, s'est incliné, le visage très fermé et grave.

La cérémonie religieuse à St Sulpice a été, elle, belle et imposante et on a senti que les dernières volontés du Président défunt ont du être respectées.
J'ai trouvé le décorum solennel mais point trop, en tous cas très pensé; pas une fausse note.

L'homélie de Mgr Aupetit fut belle, forte, très "engagée", illustrée par de très beaux passages de l Evangile de Matthieu.
A titre (très) anecdotique, son visage m'a rappelé celui d un ancien collègue de philosophie: un quasi-sosie.

J'ai beaucoup apprécié ces adresses à ces hommes de pouvoir, venus du monde entier insistant sur leur lourde responsabilité face à la misère humaine et au triste état de la planète. Les prises de position de Monsieur Chirac courageuses ont été rappelées sur des sujets difficiles comme le climat et la guerre.
L'assistance, nombreuse, illustre, représentative des options de l'ex-président (en faveur du monde arabe, des l'Afrique, de  la Russie) comprenait, fait en soi exceptionnel, trois anciens présidents outre les proches, dont la fille que j'ai "découvert" en cette occasion, femme forte et très digne.

Mais je fus conquis par le sublime Requiem de Gabriel Fauré que j ai moi-même chanté; on l'a appelé une berceuse de la mort. Oeuvre qui suffirait à immortaliser le compositeur, élève de Camille Saint-Saens, chambriste et auteur de très belles oeuvres pour piano; le "Requiem" que l'on joua lors de la crémation de la belle-mère de mon frère est une oeuvre raffinée, poétique, comme une douce plainte consolatrice.

Daniel Barenboïm, pianiste et chef planétaire, a quatre nationalités, israélienne, argentine, espagnole et...palestinienne. Il a dirigé les meilleurs orchestres du monde. C est un homme bardé de distinctions, un musicien hors pair, un homme de paix. Sans compter son courage à introduire Wagner... en Israël.
On imagine le tollé: Wagner, le compositeur préféré d'Hitler et antisémite invétéré. Moi-même fais partie du Cercle Wagner depuis un quart de siècle; je m inclime devant le génie d'un homme qui passe avant tout autre considération. Pour la petite histoire et pour rester dans l'actualité, le Musée des Arts Premiers, maintenant Musée Jacques Chirac, Claude Lévi-Strauss, maître de l'ethnologie, alors très âgé, a inauguré ce très beau bâtiment, oeuvre d'un de mes architectes préférés, Jean Nouvel; or Claude Lévi-Strauss était un grand admirateur du même Wagner et tant d'autres...

Barenboïm interpréta des Impromptus de Schubert qui, à les écouter, me donnent l'impression de monter au Ciel.

Très belle touche finale, à l'image de Jacques Chirac, ami des hommes, de tous les hommes, homme de culture (j'ignorais l'étendue de la sienne: quelle modestie!), esthète doué.

Jacques Chirac est sans doute de "l'ancien monde" mais à mes yeux il incarne à jamais l'honneur de la France.

Comments

[manouedith]

Hommage digne pour un si grand homme. J'ai beaucoup Aimé ce respect, cette dignité de tous. Le Requiem de Foré sublime, l'homélie de Mgr Aupetit tout aussi digne. Vraiment deux belles cérémonies. J'ai aimé aux Invalides, l'esprit oecuménique la représentation de toutes les religions une belle idée qui représentait bien Monsieur Chirac.