Rude journée

Après-midi de profonde tristesse malgré ce soleil estival (en soi facteur de forte   déstabilisation déjà!).
A l'EPADH de Bagneux, pour rendre visite à notre mère, mon frère et moi; il l'avait vue il y a peu, inchangée à peu près; discutant avec les deux médecins , le médecin-chef et le médecin coordinateur, il a eu droit à des discours ambivalents, l'un parlant de soins palliatifs et l'autre ayant une vision moins pessimiste...mais contradictoire en interne!

Je crois que, à ces âges très avancés et dans cet état, le meilleur spécialiste du monde ne peut qu'être dans le doute...Mon oncle médecin, une autorité dans son art, nous répétait souvent: la médecine n'est pas une science exacte; oh que oui!

Nous n'avons pas trouvé notre mère dans la salle commune; aussi, nous sommes-nous dirigés vers la chambre du fond du couloir; elle était allongée, yeux presqe fermés, alimentée par sonde et elle respirait comme une personne essoufflée...

Nous avons essayé de la stimuler par des paroles et de petites pressions; une soignante nous  a précisé qu'elle dormait mais elle lui trouvait des couleurs (!); de fait notre regard changea; oui, en effet un peu de rose sur le visage et mon frère de remarquer que ce n'était pas le cas, la fois d'avant...

Il n'empêche; j'ai dit à mon frère l'épreuve que c'était pour moi de voir cette "lionne" à terre; je me souviens: mon père l'appelait ainsi...
Mais, comme déjà dit, que pouvons-nous, que pouvions-nous faire? nous sommes de simples humains, comme les autres, comme les soignantes, comme les médecins, même spécialisés...

C'est insupportable cette impuissance, ce désir d'agir, empêché, cette comparaison inévitable avec le passé de cette femme si vive, si dynamique, pionnière et rebelle...

Voilà à quoi nous sommes réduits: guetter le moindre signe, la moindre expression, mais la descente avec des hauts et des bas se poursuit...

J'étais sonné, on s'en doute...

Après, je devais me rendre chez une élève de Vanves, mais je ne suis pas bien depuis plusieurs jours et il m'a fallu faire preuve de courage pour sortir d echez moi à nouveau; l'élève était en retard et huereusement j'avais des textes; je me suis repris; et d'ailleurs avais-je le choix?

Autour, ailleurs, la vie continue et le cosmos obéit à ses lois, immuables; nous humains, sommes soumis à des lois aussi, à notre échelle; je prends conscience de notre insigne faiblesse et de nos vie si dérisoires; jadis on se tournait vers Dieu; maintenant on fait du foot...

Terrible époque, oui vraiment, non seulement nous sommes-nous éloignés du coeur de nos existences et avons balayé toute transcendance qui donnait sens, mais nous continuons à faire régner la haine tous azimut, la haine de soi, la haine des autres, la haine de notre Terre, violée chaque jour.

Un petit sourire ce matin; le grand Woody Allen, octogéniare à présent, vient de sortir un film sur New York avec le talent qui est le sien; il aime cette ville, comme moi; les grandes villes, comme moi.

Dans le désastre général, un petit homme, à l'air toujours éberlué, clarinettiste à ses heures et cinéaste prolixe, continue à célébrer sa ville; la poésie, l humour, la tendresse, seront au rendez-vous.

Tant qu il y a de la vie, il y a de l'espoir semble nous chuchoter Woody.

Allez, courage Jean-Louis!

Comments

[manouedith]

Oui courage Jean-Louis, chacun d'entre nous avons eu à affronter cette difficile épreuve c'est malheureusement dans l'ordre des choses. Gardez dans votre coeur les plus belles images de sa vie de "lionne" . Nous sommes de tout coeur avec vous et votre frère.

à bientôt Edith