L'univers "jeunes"
Hier coup sur coup j'ai été à la fois déstabilisé, séduit et fortement éprouvé par des représentants de cette classe d'âge.
Les rares personnes qui me suivent et les rarissimes qui me suivent depuis les débutes de ce blog grâce auquel j ai fait la connaissance d un sage authentique,j ai envie de dire un homme accompli au sens fort (grâce lui soit rendue; il m'a aidé au delà de ce qu il croit; merci à son épouse aussi) et d'une dame exceptionnelle si différente de moi, habitant à la campagne dans cette France profonde que je connais si mal, ces personnes comprennent les motifs de ma dilection pour le "peuple jeune".
J en rappelle les grandes lignes: je suis né dans des conditions très dures, j ai échappé très tôt à la mort, j'ai le syndrome du survivant, j ai senti ressenti "l'odeur de la mort" pendant des années et des années, ma grand-mère portant le deuil interminable de sa fille chérie et son mari près de sombrer dans la folie, je suis resté longtemps fils unique livré à mes démons, ma mère travaillant à l'extérieur, "féministe" sans le savoir.
Six ans de solitude écrasante, implacable, inconsolée, entre souvenir lugubre et égrenage par ma grand-mère des noms des personnes décédées (son passe-temps: lire la rubrique de la nécrologie).
Thanatos l emportait pour moi sur Eros.
Enfin un petit bébé naquit, mon frère; je le trouvai très laid, noir, une bouche hurlante, des poils partout et je me posais des questions sans réponse: pourquoi? comment? qui? il est intéressant que la question des origines ait rejoint pour moi celle de la fin. J ai caressé longtemps le désir d écrire une encyclopédie de la Mort.
J étais le spectateur fasciné et perplexe des convois funéraires, des corbillards hippomobiles et surtout je contemplais dans un état de sidération les convois des enfants, tout blancs. Avant l'indépendance, les convois d européens assassinés par les fellaghas se succédaient devant les fenêtres de chez mes grand-parents. Et parfois, le corps dans le cercueil était celui d une personne connue.
Le deuil sous ces latitudes est toujours déchirant; de la Grèce Antique à nos jours, moins maintenant avec l Occidentalisation, les femmes hurlaient, se labouraient le visage de leurs ongles, défaillaient (une expression populaire en arabe voulant exprimer le comble du malheur disait d une personne dans l affliction qu elle se déchirerait les habits).
La mort même compagne de la joie et du bonheur; un mariage dans le plus bel hôtel de la ville, luxe, richesse, ostentation auquel j'assistais avec mes parents se termina tragiquement; un terrible accident de voiture survint peu après: deux morts, les époux; par la suite, j ai assisté à la grande synagogue de Tunis aux obsèques insupportables de malheureux enfants juifs, survivants de la Shoah, mais morts suite à un crash aérien, retour de la Norvège, pays d'accueil.
Ce fut un choc considérable et le gouvernement norvégien a tout fait alors pour aider les malheureux parents.
Par la suite, une longue série de pères de famille devait succomber au "coup de poing américain". En cause "les fantômes des couloirs" tapis au fond des halls d immeubles des quartiers européens; les tunisiens avides d acquérir l'indépendance espéraient ainsi terroriser la population des "occupants". Mon père comme d'autres chefs de famille avait pris le parti de siffler pour annoncer son retour du travail et ainsi nous amener à inspecter les lieux...
Mais j'ai gardé le souvenir vivace d un pauvre homme qui lui fut agressé violemment et mourut cible d un fantôme des couloirs. Manque de chance; sa mort venait à la suite de celle de son épouse, d une tumeur au cerveau malgré les soins à Paris...
Assommé par la mort, son spectacle, sa réitération, sa "mise en scène" qui devrait frapper un être jeune laissé dans l ignorance et l impuissance face à une douleur sans terme, je devais à la naissance de mon frère sortir de ma sourde et muette désespérance. La Vie enfin, ce petit être disgracieux, comme un cadeau du ciel; il devint un compagnon aimable de mes jeux, un ami complaisant; je devais partager avec lui bien des jeux. Nous avions créé chacun une ville et un pays imaginaires sur plans et bâtir en miniature cette ville. Beau symbole d'une "renaissance"!
On comprendra que par la suite les jeunes m aient tant attiré, les porteurs de vie, les remèdes contre la solitude, promesses de légèreté, anti-dépresseurs "naturels".
On comprendra pourquoi j admire tant la profession d architecte, pourquoi dès l âge de 10 ans je m improvisais "professeur" de mon frère dans une vraie classe d une varie école.
Je sortais enfin de tout le pathos accumulé. Je me libérais du poids de la douleur.
Je me sentais plus léger, presque heureux.
Hier donc cet adolescent...Il m avait prêté des mangas; j avoue avoir été quelque peu déstabilisé par ces images déstructurées, bourrées d onomatopées, où les personnages sont en proie à une agitation permanente.
Voilà la nourriture intellectuelle de pas mal d adolescents du 3me millénaire avec les séries américaines et Netflix et les jeux vidéo. Victor Hugo, connais pas.
L image partout; dans ma jeunesse la lecture avant l image.
Heureusement pour moi j ai établi le contact avec ce jeune ouvert et qui m a dit apprécier mes cours; il aime le parler vrai, moi aussi.
Le soir hélas fut plus difficile puisque je devais apprendre par internet que Mathieu, le jeune qui m'avait aidé et qui m avait accompagné lors de trois voyages tous frais payés sans compter de petits saluts avant mon sommeil, m avait menti; non il n était pas retourné chez ses parents auxquels il reste très attaché, nouveau Tanguy.
Je me suis senti trahi. Il est vrai qu il me signifiait parfois que...j étais "trop vieux".
Sympa non?
Mais je pensais vraiment à en faire un fils adoptif voire un héritier puisque mon unique nièce m a abandonné.
Il m aura donné du fil à retordre, ce garçon gentil dans le fond, charmant et qu on aimerait tant aider...
Je mets un point final et la moniale dont je lis en ce moment l ouvrage best-seller "L'escargot est lent mais il n'est jamais en retard" (Jung Mok) me donne un peu de courage pour affronter cette nouvelle épreuve.
La colère vient de notre désir
De faire bouger le monde à notre manière.
Aujourd'hui essayez plutôt
De suivre la manière du monde et d'apprécier son cours.