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Choses vues entendues sues
16 octobre 2018

Solitude et sociabilité en 2018

Hier jour mémorable pour moi; mon frère cadet (six ans de moins) a enfin compris à force de signaux à lui envoyés que ce pourrait être bien de se voir en dehors de la sinistre maison de retraite de Bagneux.

Jour d'autant plus mémorable que cette rencontre a eu lieu sur son intiative...

Restaurant panasiatique de bon rapport qualité-prix, propreté de la maison et richesse de la carte.

Échange d informations sur la vie comme elle va (pas bien je le dis ici sur tous les tons) puis cela devait "sortir"; je m efforce de faire comprendre à mon frère mon sentiment angoissant d isolement et lui demande de préciser sa propre situation familiale (il a encore une épouse que je n'ai pas vue depuis plus de 4 ans, de même que ma nièce elle non plus "invisible depuis la même date); il m apprend qu il vit seul mais voit " ses deux femmes" de temps à autre. Vague.

Et moi de lui donner des clés de ma problématique et les motifs de mon sentiment d isolement creusé par notre difficile "modernité".

Il comprend tout-à-fait et à son tour me dit qu il vit seul mais supporte très bien (trop bien?) sa propre solitude. Il me dit: "on s'adapte" et moi de répondre; faudrait-il s'adapter à tout, même si on vit dans le Goulag?

Il me rappelle que très tôt il a fui la famille et que à une certaine période alors que nous partagions une même grande chambre je poussais des hurlements la nuit. Pas le moindre essai de comprendre, de demander, de s informer. Un constat clinique, chimiquement pur.

Il me précise que cinq de ses amis sont morts (Ah? A peine une petite expression d'"ennui") mais qu il a un petit cercle qu il fréquente de temps à autre et, ma foi, que cela lui suffit...

Bref la solitude c'est bon pour lui, qui se présente comme un "créateur"; il dessine en effet depuis son plus jeune âge et écrit (quoi? on ne le saura pas).

Je lui demande si malgré tout il ne perçoit pas la terrible crise qui affecte la nature même de l homme et les bases de sa sociabilité ici en 2018. "Oui" mais il "fait avec"; autant dire que peu lui importe au fond. Cet homme a bien de la chance quelque part; dans le fond il ressemble à nombre de contemporains émus aux larmes et de manière grégaire un jour et oubliant dès le lendemain cette" émotion partiellement fabriquée par les médias...

Il est bien seul dans les deux sens de "bien"; il a un frère (son seul frère en souffrance). Point. A la ligne!

Je pense m être bien expliqué et avoir raconté la genèse de mes difficultés, dramatisant un peu au passage pour tenter une percée dans le blindage. Peine perdue.

Mais  je suis frappé plus atterré et sidéré par son "indifférence", sa molle placidité; à un moment, il évoque un homme trouvé mort après trois semaines en Suisse, seul, par sa fille. Pas l ombre d une émotion, d une colère, d une révolte...Oh! J allais oublier nous ne sommes plus chez Antigone qui a lutté pour que son frère ait droit à une sépulture comme tout être humain. On le voit l humanité progresse depuis...

Aucune émotion, aucune esquisse de sentiment; j ai bien ressenti que chez lui la sphère intellectuelle l emportait sur la sphère affective. Dans le fond la froideur avec laquelle il a rapporté le terrible sort de cet homme trouvé mort seul est celle là même qu il ressentirait à la découverte de mon cadavre.

Je pense que plus que jamais les gens n entendent pas certaines choses et restent enfermés dans leur bulle technique, médiatique, consumériste, familialiste, uniquement cantrés sur le petit moi, de fait très malade et rabougri puique en quête de prothèses fournies d abondance par les miroirs multiples dont la technologie nous submerge constamment.

C est le cas de ce frère; je lui ai fait remarquer que dans notre enfance nous jouions ensemble avec plaisir et qu il fut pour moi le remède vivant contre le violent trauma de ma petite enfance. Petite brise sur une lac...

On aura compris: toutes les explications du monde ne feront rien (j ai eu beau lui dire que la donne avait fortement changé pour moi qui n ai ni femme ni enfants; plus de mère jouant les trait d union, plus de rencontre avec "ses femmes", outrages du temps, rien; la donne a muté pour moi, pas pour lui!)
Voilà l adaptation qu il y aurait lieu que je fasse moi, de son point de vue "objectivant" (tel un médecin qui montre àa ses étudiants un "beau cas" illustarnt prafitement une pathologie rare.

On aura compris cet homme s adapte aussi bien à la perte de cinq amis qu à l Apocalypse actuelle et qu à la détresse de son unique frère.

Du moment qu il a son petit noyau d amis, son dessin et "son écriture". le reste bah...

Il ne changera pas parce qu il ne peut ou ne doit pas changer...

Et tant pis pour moi. Pour lui je suis décidément comme le Monsieur qui est mort comme une bête en Suisse...

Alors que faire devant une telle "apathie" (abesnce de souffrance littéralement du grec ancien "pathos" avec la racine indo-européenne qui a donné pâtir, compassion etc)? Rien ou si peu; je relève que -tout petit progrès- il a compris un peu avec son initiative du repas en commun)?

Il se trouve que (hasard?), avant, j avais visionné une belle conférence de Fabrice Midal précisément sur la solitude. Il a donné le cas d un homme qu on a retrouvé mort après trois ans; trois ans! Et encore c est "sa banque" (triste signe des temps) qui a découvert sa mort suite à la fin des viremnts automatiques de son compte!

Midal a d'abord rappelé que les grands créateurs ont vécu dans une solitude qui leur est nécessaire (Kafka, Rainer-Mria Rilke, etc); il a fortement valorisé cette "solitude" ; pour ma part je dirais qu on peut distinguer en cette époque maudite deux catégories de bulle: la bulle riche, celle des créateurs qui dans le fond administrent  la preuve de leur indifférence, il est vrai compensée par leur apport à l humanité et la bulle pauvre, celle de toutes ces vieilles personnes notamment (il y a une solitude des jeunes aussi) du monde postmoderne qui n ont plus qu un rapport "fonctionnel" avec le facteur (qui va sans doute disparaître au profit des drones) tous les mois...

Je sais bien que c est ainsi que va le monde; mais trouvez-vous cela "normal", même compte tenu de la difficulté intemporelle de la relation humaine?

Pour ma part il FAUT ( c en est même vital) que je m accoutume comme ce frère indifférent et désaffecté à ce monde fou. Mais le prix en est sévère on l aura compris.

Le Temps passe si vite!

Je résume ma situation existentielle qui s impose à moi; je devrai consentir à une soif de contacts de simple bon sens mais complètement baillonnée par la fermeture universelle; merci Internet, merci réseaux sociaux, merci surdoués schizoÏdes de la Silicon Valley le regard fixé sur la profitabilité de leur boite et la dernière trouvaille de leur cerveau en surchauffe (quand Aristote disait qu l être humain était un animal social sa formule allait beaucoup plus loin que le simple constat banal; il signifiait que l être humain pour être et devnir humain avait besoin du contact pour justement actualiser sa part d humanité; on comprendra alors l extrême gravité de la situation actuelle...)

Je résume plus encore: je n ai pas le choix, c est clair et il me faut me tourner vers ce bouddhisme décidément si actuel qui prescrit de ne compter que sur soi quoi qu il en ait mais au sein d'une communauté (dite "sangha"); encore faudrait-il la trouver cette sangha dans une métropole de béton. 
Midal encore nous a donné sa "solution" à l épineux problème de la coexistence de l individualisme bien compris et de la vie sociale; pour lui "la communauté" permet la résolution de cette quadrature du crecle; la communauté à laquelle il pense est celle qui saura respecter la spécificité, la richesse de chacun, tout en comblant le besoin incontestable de "reliance" avec les autres.

Le formidable défi existentiel qui est le mien en cette ultime ligne droite: consentir à l isolement en se sentant malgré tout relié à...(je l ignore).

Dure gageure: comment à mon âge se transformer en ermite himalayen en si peu de temps (puisque "c est comme çà" comme aurait dit avec placidité ce frère tellement dissemblable)?

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Commentaires
S
Message de Shoshin ...<br /> <br /> <br /> <br /> Le problème c'est qu'on s'image qu'être ermite c'est devenir moine au Tibet ou dans une monastère catholique. Je ne crois pas que l'ermite doive s'isoler du monde mais il doit faire des choix afin d'avoir plus de temps à consacrer à ce qui lui permet de devenir quelqu'un qui vie en dehors du samsara. La méditation n'est rien si elle ne trouve pas d'application pour diminuer les souffrances des autres et les nôtres. De même l'ermitage n'est rien si elle ne sert qu'a s'isoler. Mais on se doit aussi de ne pas porté tout les malheurs de la terre et d'exiger des autres l'impossible. C'est tout.
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