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Choses vues entendues sues
19 juin 2018

Absurdité du jour et image de ce temps

Ce matin j évoquerai une saynète de la vie quotidienne de grande banalité, tant elle illustre la formidable rupture que nous vivons depuis 5 à 10 ans environ.

Tout y est: le changement incessant des pratiques quotidiennes imposé plutôt que désiré, la perte de sens du travail, l'absurdité, digne de Charlot, de la situation.

Voici: je devais me rendre à un bureau de poste voisin pour "simplement" (les guillemets vous indiquent combien la simplicité que j ai toujours connue n est plus) expédier une "simple" lettre à l'étranger.

D'abord, pour dire que, hélas, comme d'autres, j'ai du intérioriser l imprévisibilité de tout et de rien, je ne savais pas si le bureau de poste était encore ouvert; en effet, un bureau de poste en France en 2018 peut être fermé du jour au lendemain sans crier gare ou changer brutalement ses horaires toujours pour des motifs obscurs...
Un bureau de poste! J ai connu la fixité rassurante des horaires et la pérennité des bureaux de poste. tout cela est balayé par le grand vent du changement comme dans une pièce du théâtre de l'absurde, pour le coup bien prophétique du chaos actuel.

Ouf! Bureau toujours là (c est-à-dire non remplacé par une boutique, elle-même provisoire, de "fringues". A croire dans ce monde devenu fou que les gens passent leur vie à s'habiller et à se déshabiller!) et horaires apparemment inchangés.

OK Chouette! on y va. J'avise en rentrant, destressé, que le service dit "d'envoi de lettres et colis" est (une fois n est pas coutume) disponible; un seul client attendait le pesage de son colis par l agent. Arrive mon tour et je fais ma demande. "Ah non, Monsieur, vous devez utiliser un de nos automates" (bien ma veine comme quoi on ne peut jurer de rien). Entre nous, pourquoi alors cette qualification du guichet; on aurait pu mettre un panneau: vente de tomates (ou de jeans; c est plus "in"), échange d illustrés ou baguettes en solde.

OK bis je me rends vers la batterie d automates (quel plaisir royal que de voir peu à peu le contact humain disqualifié et remplacé par des robots intelligents ou pas. Je compte aborder ce thème de la soi-disant "intelligence" de ces machines); précisons toutefois que (encore un changement) lesdits automates ne fonctionnaient naguère que pour les envois en France. Donc changement de nouveau..

Mais l histoire ne s arrête pas là. Sur 10 automates un seul acceptait la monnaie, je veux dire la bonne vieille monnaie de pièces et de coupures; encore un changement, encore une contrainte. Je ne vois pas trop l intérêt d'utiliser sa carte Visa pour une somme dérisoire pour la simple raison que je devrai alors multiplier les écritures sur mon livre de comptes (on voit couramment des acheteurs payer 5 euros par carte bleue, ce qui du reste fait perdre du temps aux acheteurs suivants. Où est le gain, dites-moi?

OK je me rends à l automate orphelin qui accepte les pièces. Hourrah! Personne. Je passe sur l'arbre des décisions qui apparaît sur l écran. Bon je ne suis pas si bouché, je comprends cet arbre...et jette mes pièces dans la fente et mets ma lettre dans la boite ad hoc.

Leçons à tirer de cet épisode "banal": un agent sans doute démotivé ou rancunier ou mal disposé (finis les facteurs de mon enfance que l on connaissait et reconnaissait,qui vous connaissaient et reconnaissaient. On n'arrête pas le "progrès": maintenant des agents interchangeables, anonymes, pressés, soumis au rythme de l usine et sous-payés; de plus, probablement préoccupés par leur devenir, à l heure des diktats du FMi, de l OMC et de Bruxelles.

Une automatisation accélérée de tout ce qui peut encore être automatisé en attendant l automatisation des métiers les plus "nobles", savoir la médecine, l enseignement, le pouvoir aussi? Je pense à la trilogie freudienne pour qui les fonctions les plus difficiles (et les plus humaines) étaient celles d éduquer, de guérir et de gouverner.

Enfin, last but not least, la furie de tout bouger, de tout changer, de tout déplacer.

Ne nous étonnons pas après de voir exploser la violence, les dépressions, la drogue, le burn-out, la déshumanisation. 
L humain se sent vaguement coupable, rejeté, dévalué, nié dans son humanité.

Comment vous, faites-vous, face à ce cauchemar qui peu à peu telle une épidémie sournoise s instille insidieusement dans nos pratiques en nous rendant toujours plus esclaves d un monde qu on n a pas voulu?

 

 

 

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