Considérations sur l ennui
J'avoue que je ne savais pas trop quoi dire ce matin de Pâques sauf à me répéter (çà ne va pas, j ai peur, la mort approche, le temps passe, les monde va mal, les prix montent etc).
Du coup j ai songé à traiter de l ennui, une passion triste, dirait Spinoza qui revient furieusement à la mode ces temps-ci.
On peut dire que je connais bien et intimement cet ennui. Le Petit Robert nous donne une étymologie utile: du bas latin "odium" haine. Encore un bel exemple de la perte de substance des mots; le temps use tout, c est même ce qui le caractérise en propre, le vocabulaire n échappe pas à cette loi.
La haine donc. Mais de quoi?
Le point de vue phénoménologique vient à la rescousse. Je m ennuie souvent et même plus que je crois, soyons clairs. Ainsi la quête répétitive et contrainte du "divertissement" ne signe-t-il pas en creux un ennui profond et vivace que calme cette quête toujours recommencée?
L ennui à l état pur comme on dirait d un minéral à l état natif est cette espèce de désoeuvrement, entre morosité et secrète impatience de "faire" quelque chose pour se distraire le préfixe "dis" pointant la fuite du chemin d habitude(s). L ennui se marque par une furieuse envie de sortir d une situation pénible, modérément pénible mais insoutenable; l esprit est comme engoncé dans une sorte de torpeur qui le capture. Pour mieux comprendre ce sentiment, je pense à son contraire, par exemple le suivi d un cours de Lavis sur les fondements du bouddhisme. L esprit sort de la voie ordinaire, il s évade de lui-même, il s aère, se libère de lui-même, de son inertie et de sa lourdeur, découvre du neuf ou de l ancien renouvelé, et l espoir renait, l avenir s ouvre.
L ennui a à voir avec l opacité, la pesanteur, la part morte de notre être.
La part que l on cherche à fuir et les options de fuite sont par elles-mêmes révélatrices: soit on se "drogue" de ces divertissements qui n apportent rien mais asservissent, soit on se remet sur les chemins de la création et du mouvement (par exemple en suivant un enseignement qui éclaire)
Et si l ennui inévitable dans la vie (les vies les plus riches passent par des moments d ennui) signait la retombée dans le sommeil de l esprit, sa fermeture sur lui-même, sa langueur monotone comme dit le poète.
Langueur; on se languit de quelqu un qu on a perdu. Cela aurait-il à voir avec un "paradis perdu".
L ennui est du côté du dégoût de soi et de sa vie qu on a en haine justement.
Et la boucle est bouclée. Bas latin: haine. La haine est la matrice de l ennui; mais une haine bien tempérée, une haine figée dans une inertie aveugle et sourde au jaillissement de la vie en soi et hors de soi.
Conclusion toute provisoire. J espère avoir un peu éclairé ce vécu de l ennui.
Il me revient en mémoire une plainte de certains élèves: Monsieur, on s ennuie. Et moi de répondre, "philosophe": tant mieux vous apprenez ce qu est aussi la vie.
Aujourd'hui nos marketers ne savent plus quoi inventer pour "distraire" le peuple-consommateur ou plutôt si; ils inventent constamment du neuf qui s use de plus en plus vite et qui de ce afit ennuie rapidement et c est une course folle à la pseudo nouveauté qui fait tourner une économie matérialiste et triviale.
Et si l ennui au delà des apparences avait cette finalité de mieux nous faire apprécier son contraire heureux, non la consommation renouvelée donc in fine décevante non l addiction asservissante et destructrice, mais la remise en mouvement d ela liberté souveraine de l esprit.